mercredi 6 février 2013

Haute Couture - Printemps/Été 13



Magie de la Mode oblige, c’est en plein cœur de l’hiver, recouverte de neige et baignant dans des températures quasi Scandinaves, que Paris a donné rendez-vous au monde entier pour l’un de ses spectacles les plus féeriques de l’année – la semaine de la Haute-Couture. Semaine, que dis-je, quatre petits jours à peine durant lesquels maisons emblématiques d’un certain style français, mais aussi jeunes créateurs (de plus en plus) ont montrés au monde ce qu’ils savaient faire de mieux. Dizaines d’heures de travail, centaines d’heures de broderies, milliers, voire dizaines de milliers d’euros à débourser par tenue, cercle de clientèle le plus fermé au monde, la semaine de la Haute Couture est celle de tous les superlatifs et c’est sans doute cela que nous aimons. Que nous aimons et que nous défendons. Tradition française, parisienne depuis l’ancêtre de tout couturier, Charles Frederick Worth, la Couture, terme tristement banalisé depuis, prend alors tout son sens. Dépouillée d’un certain poids, la Haute Couture pour le Printemps Eté 2013 conserve toute sa richesse, mais la dévoile de façon plus subtile, plus légère, plus aérienne. Femmes fleurs, délicates vestales ou encore silhouettes graphiques, minimales, presque irréelles, tour d’horizon de ce que Paris nous a offert de plus beau !

Légèreté, tel pourrait être le maître mot de ces collections. Laissant de coté le bling un peu désuet de certaines griffes italiennes défilant (on ne sait pas trop pourquoi d’ailleurs) à Paris, ou bien les voyages oniriques bercés de folklores lointains pour lesquels certains créateurs ont facilement succombés, et regardons plutôt cette effervescence de délicatesse et de fraîcheur qui a inondée les salons poudrés de la couture parisienne. Mousseline la plus délicate, gazar de soie le plus léger, broderies les plus fines et les plus délicates, c’est au jeu du luxe le plus discret qu’on joué la plus part des créateurs parisiens. Loin de toute ostentation mal placée, le luxe s’apprécie dans ses détails et sa modernité.   

Pureté quasi virginale chez Christophe Josse, la blancheur d’une blouse de communiante délicatement brodée en ton sur ton se porte sur une jupe en plissé permanent coordonnée pour une mariée discrètement élégante. Et quand le noir fait son apparition pour le soir, les mètres de tulle du jupon sont soulignés d’une fine ceinture et d’un col Claudine graphique, l’épaule délicatement recouverte d’un voile de soie transparente, les broderies parsemées telle une discrète galaxie nocturne, et se portent forcément à plat pour une soirée d’été dont on devine déjà la douceur de l’air.

© Christophe Josse - Haute Couture PE/13
© Christophe Josse - Haute Couture PE/13


Légèreté féérique également chez le prince de la Couture – Elie Saab. Les riches broderies, les plus belles dentelles au monde sont toujours présentes, mais plus discrètes. Portées telles des secondes peaux, elles habillent délicatement les corps dans un jeu subtil de voilé-dévoilé, supprimant le volume pour ne plus se concentrer que sur la ligne.


© Elie Saab - Haute Couture PE/13
© Elie Saab - Haute Couture PE/13

© Elie Saab - Haute Couture PE/13

Chez Valentino, le talentueux duo de créateurs Maria Grazia Chiuri et Pier Paolo Piccioli a une nouvelle fois réussit le pari de réinventer l’héritage de la plus Parisienne des Maison de Couture Italiennes.  Ensembles de jour veste et jupe longueur genoux en soie crème aux courbes en volutes légères, robes de cérémonie manches longues en gazar de soie transparent brodé plumetis, ou encore robes longues néo empire ne conservant de leur illustres ancêtres qu’un bustier schématisé et un jeu de longueur et de transparence toute moderne.

© Valentino - Haute Couture PE/13
© Valentino - Haute Couture PE/13

© Valentino - Haute Couture PE/13


Certains créateurs ont travaillé l’idée de légèreté jusqu’à l’emmener à son extrême épure et ne plus se concentrer que sur la ligne. Coup de crayon gris sur vélin blanc, celui-ci prend vie et s’anime pour n’habiller les plus élégantes femmes du monde que d’une silhouette affinée à son paroxysme.

Chez Christian Dior, le nouveau Directeur Artistique Maison, Raf Simons, propose une vision ultra minimale des jardins si chers à Mr Dior. Décor ultra zen alliant le vert du buis taillé au minéral pur, les silhouettes défilant, telles les femmes fleurs d’un siècle nouveau, en ont prie tous les codes. Pour son époustouflant final, Raf Simons propose des modèles grand soir aux lignes simplement sublimes. Véritables fleurs renversées, les robes, généreusement ouvertes sur le bas formant de volumineuses néo crinolines, se terminent en des bustiers filiformes allongeant délicatement les silhouettes à l’infini.

© Christian Dior - Haute Couture PE/13
© Christian Dior - Haute Couture PE/13


Plus radical sans doute, influencée de façon certaine par l’univers des Technologies de pointe, la jeune mais néanmoins talentueuse créatrice Hollandaise Iris Van Herpen, imagine pour sa collection intitulée « Voltage » des silhouettes pour le moins électriques. Épure des lignes que l’on pourrait penser inspirées des croquis de Mr Dior, ces versions d’un New Look 3.0 n’en conservent que la ligne, pure et géométrique. Cuir, métal ou encore pvc, ces modèles proches d’une certaine forme d’Art-A-Porter, véritables sculptures de métal, luxueux origamis, subliment la simplicité des lignes par leurs chimériques complexités.

© Iris Van Herpen - Haute Couture PE/13
© Iris Van Herpen - Haute Couture PE/13

© Iris Van Herpen - Haute Couture PE/13

Minimalisme de salon poussé à son paroxysme, Maria Grazia Chiuri et Pier Paolo Piccioli nous ont fait avec le merveilleux défilé Valentino le plus bel exemple d’une vision  contemporaine de la Couture. Loin des clichés extravaguant d’une autre époque, la ligne l’emporte sur l’ornementation outrageuse.  Inspirés sans doute par les préceptes de l’architecte Mies van der Rohe ayant donné l’une des plus pertinentes définitions du Design « Less is more », les robes de jour ou de soir se simplifient jusqu’à l’essence de leur fonction – habiller et sublimer le corps de la femme. Lignes pures, courbes féminines, légèreté des matériaux, quelque fois soulignées d’une délicate broderie, les silhouettes se radicalisent pour se centrer sur l’essence même de leur fonction. Coup de cœur absolu pour les superbes robes capes en version jour ou soir – rêve immatériel, les silhouettes semblent tout droit sorties d’un imaginaire visionnaire.

© Valentino - Haute Couture PE/13
© Valentino - Haute Couture PE/13
© Valentino - Haute Couture PE/13
© Valentino - Haute Couture PE/13

A l’antithèse de la vision d’une certaine épure, celle d’une exubérante explosion florale a également été très présente sur les podiums parisiens. Broderies, sequins, couleurs, tons-sur-tons, arabesques, volumes 3D et format XL, la thématique florale chère aux collections printanières a été de tous les défilés et même des plus minimalistes.

Ainsi Raf Simons a proposé sa vision des célèbres fleurs de Monsieur Dior. Modernes, presque futuristes, portées au format XL sur l’intérieur de vestes symboles du Tailoring masculin, elles en tapissent les doublures telles une vision radicale et absolue du luxe pour soi. Portées en all over, vision postimpressioniste des roses du jardin de Granville, ou en apparitions inattendues délicatement écloses d’une fente de robe ou d’une doublure, elles inondent les traînes et s’invitent sur les bustiers.

© Christian Dior - Haute Couture PE/13
© Christian Dior - Haute Couture PE/13

© Christian Dior - Haute Couture PE/13


Pour la Maison Chanel, Karl Lagerfeld a imaginé un décor de forêt tropical pour accueillir ses bouquets de femmes aux airs faussement angéliques. Maquillages gotiques noircissant les regards, la légèreté des tweeds n’y fait rien, les silhouettes de robes fourreaux rebrodées en trompe l’œil all over de sequins aux motifs floraux donnent une impression presque suffocantes de femmes à la beauté dangereusement vénéneuse.

© Chanel - Haute Couture PE/13
© Chanel - Haute Couture PE/13


© Chanel - Haute Couture PE/13
© Chanel - Haute Couture PE/13

Chez Giambattista Valli, la fleur est tout. Omniprésente d’un bout à l’autre du défilé, elle se porte dans sa version brodé, XL et tridimensionnelle. En collier, en couronnes ou en minutieuses et délicates broderies recouvrant chaque millimètres des robes de cérémonies quelques fois elles-mêmes composées de mètres de guipure au motif floral, elles prennent une dose de légèreté en jouant sur le contraste de la transparence à l’aide de délicats voiles de gaze terminant les silhouettes, et les allongeant de quelques centimètres certaines tenues parfois vertigineusement courtes, mais aussi à l’aide de lignes volontairement simples et modernes ne dénaturant pas le message véhiculé.

© Giambattista Valli - Haute Couture PE/13
© Giambattista Valli - Haute Couture PE/13

© Giambattista Valli - Haute Couture PE/13
© Giambattista Valli - Haute Couture PE/13

© Giambattista Valli - Haute Couture PE/13


Explosion de fleurs tridimensionnelles chez Elie Saab, les broderies, parmi les plus incroyables, sculptent les robes et leur donnent une force qui contraste avec les formes volontairement simples afin d’alléger les silhouettes.

© Elie Saab - Haute Couture PE/13
© Elie Saab - Haute Couture PE/13

© Elie Saab - Haute Couture PE/13

Enfin, arabesques graphiques s’enroulant à l’infini chez Valentino, guipures format XL, ou encore pétales de mousselines aux rainures brodées de fils d’or, visions épurées de la thématique florale, elles opposent leurs lignes exubérantes avec des coupes volontaires simples et pures pour les robes qu’elles habillent. Un sans faute absolu pour le duo Maria Grazia Chiuri et Pier Paolo Piccioli, ayant signé sans conteste le plus beau défilé de cette saison. Alliance subtile et délicate de féminité extrême, de virtuosité dans l’utilisation du savoir-faire exceptionnel des meilleurs ateliers d’artisanat d’art, et de modernité infini dans les coupes, toutes les éloges sont méritées pour cet opus brillant d’élégante perfection.

© Valentino - Haute Couture PE/13
© Valentino - Haute Couture PE/13
© Valentino - Haute Couture PE/13
© Valentino - Haute Couture PE/13
© Valentino - Haute Couture PE/13
© Valentino - Haute Couture PE/13


Bulle merveilleuse hors du temps et hors de toute notion de « raison », la Haute Couture Parisienne met toujours l’art et l’artisanat au cœur de son processus créatif. Loin des excès baroques de certaines époques, la Haute Couture a su évoluer avec son temps, proposant des modèles en adéquation avec notre époque et nos modes de vie contemporains. D’ailleurs, élément qu’il est important de noter, l’attitude des défilés Haute-Couture a lui même évolué. Jadis dans le paraître, les robes, cette saison, même Grand Soir ont toutes des poches, détail qui pourrait être insignifiant, sauf si les mannequins ne défilaient pas les mains dedans, modèles d’une moderne et subtile nonchalance. Réservée certes à une élite, la Haute Couture est sans doute ce que le monde de la Mode, entouré du savoir-faire inimitable et précieux de centaines de « petites mains », sait faire de plus beau. Acmé du raffinement de notre société, la Haute Couture est un art fragile et délicat qu’il est crucial de préserver et de mettre en valeur. D’ailleurs, cette saison, la maison Givenchy n’a pas présenté de collection Haute Couture sans en donner de raison précise. Espérons que cela ne soit qu’une simple parenthèse et que Ricardo Tisci, entouré des équipes du studio de création perpétue dès la saison prochaine cette tradition chère à la célèbre maison de l’avenue Georges V.

A.

2 commentaires:

  1. 1ère visite sur ton blog: j'adore les photos du défilé de Dior et Elie Saab!!!
    http://la-petite-vie-de-marie.blogspot.fr/

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    1. Bonsoir Marie, merci beaucoup pour ce très gentil commentaire. Ravi d'apprendre que notre blog que te plais. Félicitations pour ton blog également. A très bientôt.

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