mercredi 15 janvier 2014

Le Pire du pire de la Fashion Week Londonienne



On l’attendait pourtant avec impatience en ce début d’année un peu maussade cette Fashion Week homme qui avait mis tant de temps à revenir. Quelques jours avant Milan et Paris, c’est Londres, qui comme à chaque saison ouvre le bal avec une scène créative de plus en plus prolifique. Mais contrairement aux saisons précédentes qui nous avaient ravies par une exubérante créativité, des imprimés graphiques et modernes et un esprit street chic très dans l’air du temps, ces quelques jours de collections nous ont laissé de marbre voir nous ont pétrifies d’horreur. Outre un défilé Burberry mettant en avant l’art du foulard avec de très belles nouvelles propositions pour le porter et pour le coordonner, et un colorama automnale magnifique, la grande majorité des créateurs ont fait le jeu de la surenchère quitte à parfois friser le ridicule. Tour d’horizon des pires looks de la Fashion Week Londonienne.

Bobby Abley

Perdu quelque part entre une régression à outrance, composé de total look rose, d’imprimés inspirés de l’univers de Walt Disney (Tendance adulescente quand tu nous tiens), de casquettes à cornes ou d’oreilles de Mickey (Pour le coté Bad Boy sans doute…), de messages faussement vindicatifs vis à vis des médias (Brains 0 – carrément méchant là), et de logos surdimensionnés pour rappeler à ceux qui ne l’auraient pas encore compris, qu’il s’agit bien de modèles Bobby Abley (si, si)  ; on retient surtout de ce défilé (si le mot est encore approprié) les garçons aux sourires métalliques. Sourires métalliques… c’est encore bien trop joli comme pirouette pour parler de l’horreur dont il est question… Un accessoire buccal plus proche de l’outil proctologique que du défilé de mode. Un fétichisme déplacé, une provocation des plus facile espérant sans doute ainsi faire le buzz sur la toile,  ou de vieux démons cachés desquels ledit créateur devrait sans doute rapidement se dépêcher de parler à son psy, quoi qu’il en soit, nous avons surtout une pensée émue pour les modèles, qui ont du subir l’inconfort et l’inélégance de l’accoutrement…

© Boby Abley
 © Boby Abley
© Boby Abley


Christopher Shannon

Oui c’est la rentrée, oui la hausse du tabac nous ruine, oui le pouvoir d’achat baisse et c’est la crise… Ok… cependant, est-ce une raison pour sortir ainsi de chez soi le cheveu sale, la mèche cracra plaquée sur le visage déprimé ? Est-ce une raison pour emprunter les ensembles en grosse maille Damart de tatie Huguette et de piquer les chemises 70’s col pelle à tarte que tonton Bébert a conservé précieusement en souvenir de sa folle jeunesse ? Est-ce une raison enfin pour servir de panneau publicitaire vivant aux géants de l’industrie du tabac espérant ainsi obtenir une ristourne sur son paquet de drogue quotidienne ? …. Merci de vos réponses en cœur, la réponse est NOOOOOOOOOOOOON !!!!!

© Christopher Shannon
© Christopher Shannon
© Christopher Shannon
© Christopher Shannon
© Christopher Shannon


J.W.Anderson

Très étrange collection que celle proposé par J.W.Anderson. Décalage spatio-temporel, le spectateur doute. Suis-je bien en janvier durant les collections homme ? Ou bien par un heureux hasard ai-je été propulsé par la machine à voyager dans le temps de la mode en mars durant les collection Femme ? Et la question est pertinente à la vue des looks proposés.  Talons compensés, sacs saut (sot ?), tops à emmanchures américaines étriqués, lavallières, imprimés 70’s criards, petits paletots et tops à volants, c’est un vestiaire féminin complet que le créateur fait défilés pour habiller les hommes de sa cabine. Concept particulier que nous n’irons clairement pas jusqu’à qualifier d’intéressant qui interpelle et interroge sur la question des genres certes et la sexualisation du vêtement et de nos codes sociétaux (au moins tout ça oui…). Si encore le vestiaire féminin proposé était joli… cela aurait pu être défendable par certains côtés. Mais clairement, loin d’avoir choisit les plus belles pièces de la garde-robe féminine, nous avons plus l’impression d’assister à un carnage stylistique après avoir éventré les placards de tatie Lucette ou d’avoir fait une overdose de vêtements vintage mal associés. Bref, un désastre en tout point de vue que nous ne souhaiterions à aucune femme même de devoir porter.

© J.W.Anderson
© J.W.Anderson
© J.W.Anderson
© J.W.Anderson
© J.W.Anderson


KTZ

Grande déception de cette Fashion Week Londonienne, le duo de créateur formant KTZ que nous suivons depuis plusieurs saisons pour son travail de coupe et d’imprimés a livré une collection monotone, voire monacale selon certaines silhouettes, jouant sur les contrastes de blanc et de noir. Pureté stylistique me direz-vous qui pourrait à la rigueur se justifier. Passons. Ce qui nous embête en revanche beaucoup, c’est le besoin d’avoir grimés les modèles. En manque d’inspiration et de créativité sans doute, les créateurs ont focalisés l’image sur les maquillages blafards, les teints gris, les faux boulons collés sur les tempes. Plus proche de personnages d’Halloween que du défilé de mode, les mannequins, maquillés en créatures étranges, mi Frankenstein, mi-Lurch dans la famille Addams, sont peu enclins a nous vendre la collection ou  à nous donner l’envier de leur ressembler vêtu des vêtements de la griffe londonienne… Dommage

© KTZ
© KTZ
© KTZ


Sibling

C’est tout me demanderez vous ? Non, bien sur que non. Nous vous avons gardé le meilleur pour a fin… Et quel final ! Une apothéose de mauvais gout ! Un festival de tenues de carnaval ! Une explosion de ridicule ! Et encore, je pèse mes mots. « Crochets et vieilles guipures », c’est sous ce titre qu’aurait pu s’intituler ce défilé ; et encore, un parfum suranné d’élégante campagne anglaise pourrait flotter au dessus de ce nom, ce qui est loin d’être le cas ici. Associations hasardeuses de vert amande et de marron, d’ultra-violet, de blanc et de noir, nous ne savons même plus dans quel ordre aligner les arguments pour décrire la cacophonie visuelle qui nous aveugle. Micro short transparent en dentelle, look version friperie cheap ou encore plaid en crocher à porter sur les épaules le tout sur un vieux pyjamas délavé, c’est une véritable insulte stylistique à laquelle nous assistons, et nous avons une sincère compassion pour l’ensemble des modèles qui ont du s’attifer (pardon du mot, mais aucun autre ne me semble juste vu les circonstances) de la sorte. Honteux !

© Sibling
© Sibling
© Sibling
© Sibling
© Sibling
© Sibling


Critique acerbe, diatribes enflammées, il est bien rare que nous nous échauffions de la sorte après des défilés, mais même si l’on dit que le ridicule ne tue pas, nous partons du principe qu’il n’est pas pour autant nécessaire de se moquer autant du monde !

A.

jeudi 2 janvier 2014

« Roman d’une Garde-Robe, le chic d’une Parisienne »



Imaginez-vous pousser la porte de l’une des plus grandes maisons de haute couture parisiennes au début du siècle dernier. C’est ce que nous propose le musée Carnavalet, en collaboration avec le Palais Galliera, avec l’exposition Roman d’une garde-robe, le chic d’une Parisienne de la Belle Epoque aux années 30. Présentée pour la première fois, l’incroyable garde-robe d’Alice Alleaume, première vendeuse de 1912 à 1923 chez Chéruit, révélant des robes griffées Chéruit, Worth et Lanvin, des chaussures du soir d’Hellstern, des chapeaux d’Alphonsine, Marcelle Demay, des bijoux… L’influence familiale, la maison Chéruit, la place Vendôme, la vie professionnelle et les goûts de cette parisienne à la mode rythment le parcours de l’exposition ; et c’est tout le milieu de la couture, auquel la famille d’Alice Alleaume fut étroitement liée dès le Second Empire, qui se dévoile peu à peu. Manuscrits et documents, carnets de vente et listes de clientes font revivre Alice, sa fille Adèle, sa mère « couturière en robes » et Hortense, sa sœur aînée, elle-même première vendeuse chez Worth, rue de la Paix. À travers les dépôts de modèles et échantillons des Archives de Paris, défilent les collections Chéruit, tandis que peintures et estampes du musée Carnavalet font échos et évoquent la rue de la Paix et la place Vendôme, temples du luxe, avant la guerre de 1914-1918. Outre la qualité esthétique des pièces, la collection raconte l’histoire d’une famille, d’une Parisienne, d’une maison de couture et compose « le roman d’une garde-robe » redonnant à la maison Chéruit la place de tout premier plan qui était la sienne au début du siècle dernier.

© Le roman d'une garde-robe - Musée Carnavalet


Les prémices

Fille d’Adèle Dumas « couturière en robe » (dont un modèle daté vers 1861 est exposé et nous montre le talent), Alice Alleaume (1881 – 1969) est très tôt immergée dans le milieu parisien de la mode. La carrière de sa sœur ainée Hortense, première vendeuse chez le mythique couturier Worth durant de longues années, renforce ce lien familial avec le monde de la couture. Un manchon et une étole en hermine, qui ont conservé leur étiquette Worth, attestent du passage d’Hortense dans cette illustre maison. Et c’est ainsi que sous le regard bienveillant de sa sœur ainée, qu’Alice entre à son tour dans cet univers. Après un séjour de quelques mois à Londres en 1902 pour apprendre l’anglais, elle forge son expérience dans différentes maisons parisiennes - Morin-Blossier, Laferrière, Doucet, Diemert, ou encore Favre avant d’entrer dans la maison Chéruit et d’y passer la majeure partie de sa carrière, de 1912 à 1923.

En parallèle de cette première étape de vie, quelques dessins de l’album Le Vrai et le Faux Chic, publié en 1914, par le caricaturiste Sem fustigent avec humour les couturiers détenteurs du « faux chic » qu’il oppose aux grandes maisons, tandis que l’album Voyage autour de ma colonne cite plusieurs noms de maisons célèbres de la place Vendôme.

© Sem - Le roman d'une garde-robe

© Sem - Le roman d'une garde-robe
© Sem - Le roman d'une garde-robe
© Sem - Le roman d'une garde-robe


Chez Chéruit

Véritable invitation à redécouvrir la maison Chéruit au travers de l’activité d’Alice Alleaume, le cœur de l’exposition met en avant le savoir faire, les créations et la vie quotidienne de l’une des plus belles ambassadrice de l’élégance parisienne. Fondée par Madeleine Chéruit à la fin du 19ème siècle, la maison rencontre rapidement le succès que vient couronner dès 1900 un Grand Prix à l’Exposition Universelle et s’installe, l’une des premières, place Vendôme, au n°21. Sa renommée la conduit à participer chaque mois, dès 1912, à la Gazette du Bon Ton aux côtés de Dœuillet, Doucet, Paquin, Poiret, Redfern et Worth avant de se retirer fin 1914, laissant la cogérance de la maison jusqu’en 1923 à Madame Boulanger et Madame Wormser avant la date de fermeture de l’illustre enseigne en 1933.


En tant que première vendeuse, Alice Alleaume côtoie une riche clientèle française mais aussi internationale venant à chaque collection renouveler leur garde-robe. Elle aura près de six cents clientes parmi lesquelles la reine Victoria-Eugénie d’Espagne, l’infante Béatrice d’Espagne, la reine Marie de Roumanie et la princesse Elisabeth de Roumanie, la duchesse d’Arion ou encore la duchesse de Gramont... Les carnets d’Alice qui sont exposés, où elle note jour après jour le détail de ses ventes, les retouches à effectuer, ainsi que son répertoire d’adresses nous font pénétrer dans son univers quotidien ; registre commun, où les vendeuses consignaient observations prises sur le vif concernant les clientes de passage, évoquant les coulisses d’une maison où les commentaires (parfois savoureux) allaient bon train.


© Le roman d'une garde-robe - Musée Carnavalet

Une douzaine de modèles Chéruit sont ainsi exposés. Plusieurs proviennent de la garde-robe d’Alice Alleaume tel cet ensemble en lamé or de l’hiver 1921-1922, ou une robe du soir en velours de soie ivoire brodée de motifs de dragons, complétée d’une traîne, de l’hiver 1922-1923. Mais aussi une très riche sélection d’échantillons textiles brodés, aux tons éclatants sont exposés, témoignant du savoir-faire, jusqu’ici insoupçonné, des brodeuses de la maison Chéruit qui utilisent des matériaux aussi insolites que le cuir, la paille, le métal ou les barbes de plumes pour dessiner des motifs d’une étonnante modernité.

© Le roman d'une garde-robe - Musée Carnavalet

Parisienne à la mode

La garde-robe des années 20 d’Alice Alleaume, femme de son temps, nous permet également de décrypter les tendances de cette période révolutionnaire dans l’histoire de la mode. Elle adopte ainsi dès 1920 le maillot de bain en jersey, elle porte le pyjama d’intérieur alors très en vogue, l’incontournable et confortable sweater aux motifs géométriques, adapté à une vie active. Pour le soir, coiffures scintillantes de perles et de pampilles, bandeau brodé ou perruque en lamé argent sont la signature d’Alice Alleaume, ne portant que rarement la même tenue et ne se départissant jamais de son élégance.

© Le roman d'une garde-robe - Musée Carnavalet
Et même après avoir quitté  ses fonctions au sein de la maison Chéruit, Alice Alleaume ne cessera jamais d’aimer un univers auquel elle consacra la part la plus importante de sa vie et de transmettre les codes et la passion à sa fille Adèle.  La robe du soir en lamé brodée d’une figure de Japonaise en perles et en strass, dans laquelle Alice Alleaume posa avec sa fille, vers 1928, pour le peintre Louis Hector Demailly en est le parfait exemple. Adoptant les longues robes des années 30, taillées dans le biais, dont la coupe complexe met en œuvre nervures et incrustations, son style est teinté d’originalité comme en témoigne sa garde-robe très diversifiée, qu’elle conserva soigneusement, où une veste en satin ciré, à la coupe extrêmement moderne, voisine avec une robe noire aux poignets terminés par une fermeture à glissière. Ces pièces non griffées, d’une coupe très étudiée, témoignent de la sureté de son goût. Ses bijoux fantaisie, parfois en matière synthétique, souvent d’inspiration Art déco, sont autant d’objets de mode.

© Le roman d'une garde-robe - Musée Carnavalet

© Détail - Le roman d'une garde-robe - Musée Carnavalet

Fréquentant même Lanvin, la plus ancienne des maisons de couture parisienne, fondée à la fin du XIXème siècle au n°22, rue du Faubourg Saint-Honoré, plusieurs modèles du soir portant cette griffe illustre sont exposés, comme la robe «Vestale» de 1932 ou la robe « Idole » de 1935. De la robe «Sèvres» de 1934-1935, dont le dessin est conservé dans le Patrimoine Lanvin, subsistent le plastron et les manchettes garnis de cabochons en Celluloïd ivoire en forme de pointes de diamants – incroyables de modernité.

© Lanvin - Le roman d'une garde-robe - Musée Carnavalet


Passé le seuil de l’exposition, l’on pénètre dans un monde mythique qui a fait la réputation inégalée de Paris en tant que capitale de la mode. En compagnie d’Alice Alleaume, fil rouge de l’exposition, quelque 400 pièces exceptionnelles, robes et accessoires, échantillons textiles, peintures, estampes et photos, manuscrits et albums, se dévoilent peu à peu offrant un panorama diversifié de cet univers luxueux où vendeuses, essayeuses et mannequins sont au service d’une clientèle internationale fortunée pendant que, sous les toits et au fond des cours, des centaines de couturières, appelées midinettes, s’activent dans les ateliers. Le parcours professionnel d’Alice Alleaume nous sert de trame au travers des quatre étapes importantes de sa vie. Les années d’apprentissage et l’influence familiale qui l’ont conduite vers le monde de la haute couture tout d’abord, le milieu parisien de la mode dans le quartier de la place Vendôme et de la rue de la Paix, sa carrière au sein de la maison Chéruit, enfin, sa garde robe personnelle datant des années 30 révélant la grande sureté de goût et l’originalité de cette élégante, qui incarna un certain chic parisien.

A.

© Le roman d'une garde-robe - Musée Carnavalet


MUSÉE CARNAVALET
Roman d’une garde-robe, le chic d’une Parisienne de la Belle Epoque aux années 30
Jusqu’au 16 mars 2014
23, rue de Sévigné - 75003 Paris