mercredi 26 juin 2013

Milan Fashion Week SS14 - Le meilleur des défilés


  
La Fashion Week londonienne à peine terminée, le monde de la Mode s’est donné rendez-vous à Milan pour découvrir la suite des collections masculines pour le Printemps Été 2014. Jour après jour nous avons suivi l’ensemble des défilés et des présentations milanaises et  vous avons sélectionné nos coups de cœur mode.  Et force est de constater, depuis de nombreuses saisons déjà, que Milan n’est sans doute plus la capitale du bon goût à l’italienne qu’elle a pu être dans le passé. Entre défilés Bling, collections frisant l’ennui mortel ou carrément improbables et importables, difficile de faire le tri et d’y voir clair. Fort heureusement, certaines maisons, certains créateurs relèvent le niveau de cette cession SS14, sous le signe des Tropiques, et nous prouvent que Mode et Made in Italy peuvent encore se conjuguer.

Andrea Pompilio – Print Power

Premier jour et première belle surprise qui ne vient pas forcement de là ou on l’attend, à savoir d’un des grands noms de l’industrie de la mode italienne, mais plutôt d’un jeune venu qui fait beaucoup parler de lui depuis qu’il a remporté le Prix du Pitti Uomo – Andrea Pompilio

© Andrea Pompilio SS14
© Andrea Pompilio SS14
Explosion de couleurs et d’imprimés pour un univers alliant élégamment pièces classiques du vestiaire masculin et fantaisie et richesse de motifs à tendance ethniques rappelant une certaine vision de l’Afrique, en version très chic. Costume en sergé de coton et de soie façon Wax, parkas en soie imprimée mixées avec des shorts de ville (look gagnant pour l’été prochain), derby bicolores façon croco et cabas pliables en format pochette en wax imprimé, le dressing masculin se colore avec style pour notre plus grand plaisir.

© Andrea Pompilio SS14
© Andrea Pompilio SS14


Jil Sander – Minimal Chic

A l’opposé de la mouvance tropicale qui a envahit les podiums milanais, la créatrice Jil Sander fidèle au style minimal qui a fait son succès au début des années 90, propose pour le printemps été 2014 une collection aux lignes radicales inspirées par l’univers du sport. Subtile mélange de chemises de smoking impeccablement coupées et de shorts à l’esprit baggy ; ou encore de vestes façon parka et de derby en cuir glacé ; la gamme de couleur optique allie le blanc et le noir, tranchant quelques fois avec la force d’un orange ou d’un violet. Le cuir enfin présent, travaillé sur des qualités de double face bi couleur, casse son coté ultra luxueux par des finitions laser à la modernité inégalée.

© Jil Sander SS14
© Jil Sander SS14
© Jil Sander SS14
© Jil Sander SS14


Prada – Menacing Garden

Prada c’est un peu le baromètre Arty de toute Fashion Week milanaise. Et pour cette cession, Miuccia Prada, reine des imprimés rétro n’a pas faillit à sa réputation, livrant une collection forte en style ou les imprimés végétaux sont mis à l’honneur. Loin d’une certaine vision de carte postale, Miuccia Prada a préféré l’aspect sombre et torturé de certains films des années 50 ou la végétation, surchargée, presque suffocante se fait dangereuse. 

© Prada SS14
© Prada SS14

Mailles, chemises ou encore accessoires, l’imprimé est présent partout et définit par sa force une silhouette aux accents 50’s modernisée. Pantalon large, presque baggy qui signe définitivement l’arrêt du slim pour la saison prochaine, Miuccia Prada imagine un été presque sombre avec une gamme de couleur sourde presque automnale : brun, aubergine, kaki ou encore nuances de gris neutres. Attention, hit print en perspective !

© Prada SS14
© Prada SS14

© Prada SS14


Z Zegna – Radical Chic

Autre bastion d’un style plus minimal, la griffe Z Zegna, ligne jeune et créateur du géant du luxe italien Ermenegildo Zegna, qui, de saison en saison assoit de plus en plus son coté mode grâce au travail incroyable de son directeur artistique Paul Surridge. Travail qui met à l’honneur pour le printemps/été prochain cette pièce emblématique du vestiaire masculin – le smoking

© Z Zegna SS14
© Z Zegna SS14
Mais un smoking terriblement modernisé. Oubliez le traditionnel trois pièces noir à bande satin, le smoking Z Zegna pour l’été prochain se déclinera essentiellement sur des nuances de bleu : marine, cobalt, pétrole ou encore canard ; le bleu, couleur emblématique de l’homme et de l’esprit marin si chère durant les saisons estivales sera de toutes les silhouettes. Inspiré par l’univers du sport, les coupes des pantalons et des vestes se font plus confortables, plus loose ; sans pour autant perdre de leur élégance et de leur raffinement. Ceintures smoking épuré dans la ligne mais exagérée dans la taille, elle se porte sur des chemises ou des t-shirts et soulignent de façon graphique la silhouette. Enfin, la spartiate, élément indispensable de l’été, est le dernier code à adopter pour une attitude élégante et décontractée.

© Z Zegna SS14
© Z Zegna SS14

© Z Zegna SS14

Gucci – Flower power

Sans doute un peu plus premier degré, Frida Giannini, la directrice artistique de la maison Florentine Gucci, transformera l’homme en Flower Addict. Costumes, pantalons cigrattes, mailles, chemises ou encore blouses en soie aux accents « psyché », le motif floral se portera en all over et n’aura pas peur du plus. Le « Less is more » de Mies van der Rohe s’est d’ailleurs prit un sacré coup de vieux depuis que les Flower Men de Mrs Giannini ont défilé sur le podium milanais. 

© Gucci SS14
© Gucci SS14

More is More semble dire chacune des silhouettes de la griffe au double G, qui n’ont peur ni des contrastes ni des associations de couleurs et d’imprimés, transformant l’espace d’un show, la capitale Lombarde en véritable jardin tropical peuplé d’hommes exotiques. Les références à l’univers du sport, inévitable cette saison, sont également présente dans les coupes de certains pantalons, certains t’shirts ou encore par la présence de sac à dos faisant référence aux harnais de sport d’escalade. Escalade de style à n’en pas douter que Frida Giannini réussit une nouvelle fois à accomplir.

© Gucci SS14
© Gucci SS14


Avant de vous quitter et de vous donner rendez-vous dans quelques petits jours pour la Fashion Week Parisienne ; les codes à noter pour le prochain été : l’imprimé Tropical et les Tissus façon Wax, la pochette à porter en toute circonstance, le short, l’esprit sport, les spartiates à porter en ville et enfin les flash de couleur : orange et violet ! Et qui sait, peut-être déjà pouvons nous les adopter !

A.

lundi 24 juin 2013

London Men Fashion Week – Coups de cœur Mode



Douceur d’un mois de juin enfin clément, direction Londres, capitale internationale de mode marquée par son style toujours coloré et extravaguant, pour débuter le calendrier des défilés masculins et découvrir en avant première les futures grandes tendances des collections Printemps Été 2014.

Agi & Sam – Ultra Violet

Le jeune duo de créateurs britannique qui monte Agape Mdumulla et Sam Cotton, plus connus sous le nom Agi & Sam, déjà célèbres de l’autre coté de la Manche pour avoir signé une collaboration avec Topshop propose une vision radicale du vestiaire masculin pour l’été prochain. Pantalons, vestes, chemises ou encore shorts, toutes les pièces emblématiques d’une garde robe contemporaine sont présentes, mais revisitées avec un twist indéniable de modernité colorée ! Imprimés Arty, superpositions de pièces, contrastes fort de couleurs et de matières ; on retiendra surtout de cette très belle exposition la force d’un ultra violet présence sur quasiment toutes les silhouettes, par touches ou en all over. Nuance forte déjà présente depuis plusieurs saisons dans beaucoup de défilés femme ; et qui sera à n’en pas douter, l’un des must have de l’été prochain.

 © Agi & Sam - SS14
 © Agi & Sam - SS14

 © Agi & Sam - SS14


Burberry – Preppy Colors


Christopher Bailey, le talentueux directeur artistique de la maison Burberry, propose pour l’été prochain un vestiaire tout en couleur. Explosion de bonne humeur contrastant avec la sagesse des silhouettes aux accents Preppy. Bleu cobalt, jaune vif, vert d’eau, touches de rouges, l’ensemble des couleurs primaires sont présentes, mixées entre elles ou associées au noir et au blanc pour des effets plus graphiques nous rappelant certains looks fort des années 80. 

© Burberry - SS14
© Burberry - SS14
© Burberry - SS14
Cravates, mocassins, chemises, mailles ou encore trenchs, les couleurs pop envahissent l’ensemble des pièces de la garde robe masculine pour notre plus grand plaisir. Attention must have – les montres colorées en gomme et acétate, jaune, bleu ou rouge ; on adore !


© Burberry - SS14
© Burberry - SS14

Lee Roach – Graphic & Chic

Lee Roach fait partie de cette jeune garde de styliste britannique qui commence à faire parler d’eux pour la qualité de leur travail. Diplômé en 2010 de la célèbre Saint Martins School de Londres, Lee Roach fait ses classes au sein de l’équipe de style Meadham Kirchhoff ou encore auprès des tailleurs de Saville Row. Fidèle à son style pouvant se résumer par les adjectifs “réduction and répétition”, Lee Roach propose pour l’été prochain une collection radicale chic alliant ses deux couleurs fétiches – le noir et le blanc cassé. Tailoring modernisé, vestes sans manches, les pièces à manche sont soulignées de détails aux références Sport. Imprimé camouflage saharien pour dynamiser de nuances de rouilles un colorama sobrement graphique que l’on souhaite adopter au plus vite.

© Lee Roach - SS14
© Lee Roach - SS14
© Lee Roach - SS14
© Lee Roach - SS14


Christopher Shannon – Color Blocking Sporty

Colorblocking et Sporty, c’est par ces deux adjectifs que l’on pourrait définir le mieux la nouvelle collection Christopher Shannon. Fit plus amples et confortables en références  à l’univers de la Street Culture, silhouettes fortes monochromes ou bicouleur ; l’homme Christopher Shannon s’habillera tout de gris, de orange, de violet ou de vert. 

© Christopher Shannon - SS14
© Christopher Shannon - SS14

© Christopher Shannon - SS14

Mix de matériaux nobles ou plus techniques, les chemises, mailles ou shorts de la collection Printemps-Eté 2014 se déclinent en popeline de coton unis ou imprimées, en cuir vernis, en jersey ou encore matières vinyles ultra moderne. Pièce incontournable du vestiaire, le short, présent sur toutes les silhouettes, se porte avec un modèle polymorphe de sandale/sneaker ultra graphique.  

© Christopher Shannon - SS14
© Christopher Shannon - SS14

Autre tendance forte que l’on commence à voir sur l’ensemble des défilés et qui étaient également présente sur les collection Croisière femme - le zip - remplaçant les autres systèmes de fermeture, se fait volontairement visible et modernise par sa présence les pièces les plus classiques du vestiaire masculin. Un futur détail mode incontournable.

© Christopher Shannon - SS14
© Christopher Shannon - SS14


Rendez-vous dans quelques petits jours au coeur de la capitale de la mode italienne pour nos coups de coeur spécial Made in Italy! ;-)

A.

vendredi 21 juin 2013

Au revoir Mr Jean-Louis Scherrer



La nouvelle est tombée tel un couperet ce jeudi matin ; le couturier français Jean-Louis Scherrer est mort à l’âge 78 ans dans une clinique parisienne. La vie passe inexorablement me répondrez-vous et même les plus brillants créatifs et artistes de leur temps n’y échappent pas. C’est certain ; et ce n’est sans doute pas la fatalité de l’existence qui m’a choqué lorsque j’ai appris comme certains d’entre vous la nouvelle ; mais plutôt l’étonnante trajectoire d’une carrière projetant quelqu’un sous les feux médiatiques avant de le replonger dans une certaine forme d’oubli.

© Jean-Louis Scherrer

En effet, le nom de Jean-Louis Scherrer n’est inconnu de personne. Plus de trente ans après que le monde de la mode lui ai décerné le Dé d’Or en 1980 pour la modernité de ses silhouettes, plus personne, à l’exception de ses proches bien sur, ne connaissait réellement l’existence de cet homme qui aura marqué par son style la seconde partie du 20ème siècle. Parfums, licences en tout genre proposant pléthore d’accessoires dérivés ; le nom perdure malgré l’arrêt officiel de la maison en 2008 et la perte de contrôle de celle-ci au début des années 90 par son fondateur qui sera une première dans cette industrie naissante.

© Jean-Louis Scherrer

Mais oublions ces considérations financières qui gâchent bien souvent l’univers créatif de la mode de leur considération purement économiques, pour rendre hommage et retracer en quelques lignes l’œuvre d’un créateur talentueux et finalement assez méconnu.

Né au cœur des années 30 dans la modernité d’une famille s’intéressant à l’univers de la psychiatrie, Jean-Louis Scherrer se prédestinait à devenir danseur, passion qui le bercera durant toute son enfance et qui le conduira jusqu’au Conservatoire national de Paris avant d'interrompre brutalement une prometteuse carrière à la suite d'un accident. Il poursuivra cependant sa quête de la beauté par le biais d’un autre support : la mode !

© Jean-Louis Scherrer

Diplômé de la Chambre syndicale de la couture durant les années 1950, il fera ses classes au sein des ateliers de Christian Dior - «J'étais là pour apprendre (…). Une technique remarquable qui m'a servi toute ma vie.» À la mort de celui-ci, Jean-Louis Scherrer poursuivra son apprentissage aux côtés de son successeur, Yves Saint Laurent, avant de s'engager trois années aux côtés du couturier Louis Féraud.

© Jean-Louis Scherrer

Passionné par les voyages, et par l’énergie créatrice qu’il en puise, il fondera enfin sa maison de couture en 1962, rue du Faubourg Saint Honoré et défilera pour la première fois dans une cave parisienne, séduisant presse spécialisée et riches clientes. Un succès qui ne se démentira pas avec les années propulsant rapidement le jeune créateur sur les devants d’une scène mode en pleine effervescence.

© Jean-Louis Scherrer

Ouverture d’une véritable maison en 1971 au cœur de l’avenue Montaigne, puis sacre en 1980 avec la plus prestigieuse récompense pour un créateur qui lui voit enfin la possibilité d’arborer le titre de Haute Couture, Jean-Louis Scherrer aura habillé les plus belles et les plus élégantes femmes de son époque : de Claudia Cardinale, à la reine Noor de Jordanie en passant par Jacky Kennedy, toutes ont succombés à ce chic structuré, cette élégance à la française qui auront fait sa signature jusqu’à l’arrêt de son travail en tant que styliste de sa maison en 1992.

© Jean-Louis Scherrer

Après cela, un lent et terrible oubli du grand public qui ne se souviendra que très peu des flamboyantes créations signées Scherer qui marquèrent par leur style les années 80 ; jusqu’en ce jour de juin 2013 ou une bien mauvaise nouvelle, refit surgir dans nos mémoires la féminité de son œuvre.

Au revoir Mr Scherrer.

A. 

jeudi 13 juin 2013

KEITH HARING - The Political Line - 19 avril – 18 août 2013



Evènement artistique de ce printemps, le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, consacre une rétrospective de grande envergure (près de 250 oeuvres réalisées sur toile, sur bâche ou dans le métro) à l’artiste américain Keith Haring (1958 – 1990), mettant en avant l’importance de son œuvre ayant profondément marquée l’art de la fin des années 80 et la fin du 20ème siècle, en mettant plus particulièrement l’accent sur la nature profondément « politique » de sa démarche tout au long de sa carrière. Style  incomparable se rapprochant d’une certaine figuration naïve, répertoire de signes emblématiques tel un alphabet hyéroglyphique contemporain, proche du mouvement Pop Art (ami d’Andy Warhol et de Jean-Michel Basquiat) et de la contre culture New-Yorkaise, Keith Haring fut l’un des artistes les plus célébrés, mais aussi les plus décriés de son époque.

© Keint Haring - The Political Line 


Virtuose du dessin, qu’il pratiquait depuis l’enfance, issu d’un environnement familial créatif (père dessinant entre autre des bandes dessinées), Keith Haring a étudié à la School of Visual Arts de New York, la sémiotique et l’importance du signe dans les sciences du langue non verbal et comprit très rapidement l’impact que pouvait avoir un symbole. Génie de la ligne, travailleur incessant et rapide, capable de réaliser des œuvres monumentales en moins d’une journée, et sans jamais corriger ses traits, il a énormément produit, utilisant de multiples supports subversifs (notamment la toile de bâche pour son aspect pauvre, loin de la noblesse qu’il considérait comme surfaite d’une toile vierge) pour véhiculer ses messages et ses idées politiques.


© Keint Haring - The Political Line 

Utilisant délibérément la rue et les espaces publics pour s’adresser au plus grand nombre, il n’a cessé de lutter tout au long de sa vie, contre les diktats d’une société conservatrice et ultra capitaliste dans laquelle il ne se reconnaissait pas. Décriant entre autre le racisme, la menace de guerre atomique, la destruction de l’environnement, l’homophobie et à la fin de sa vie l’épidémie du sida dont il décède, comme une partie importante de la communauté arty New-Yorkaise des années 80, non sans avoir créé une fondation caritative au profit de la lutte contre la maladie.  

Le parcours de l’exposition, organisé de manière thématique et chronologique, débute par l’accrochage de ses premiers travaux et rend compte de ses prises de position critiques envers la société.

L’individu contre l’État

Dès ses premières oeuvres Keith Haring s’interesse et s’oppose au pouvoir Etatique et défend l’individualité et la liberté de chacun. Chiens aboyant, personnages déchiquetés par des mains géantes, robots marquant ses victimes d’une croix, Haring dénonce à travers certaines de ses oeuvres les groupes stéréotypés et classifiés par l’Etat, et dénonce aussi les êtres qui oublient leur propre individualité.

© Keint Haring - The Political Line 

Capitalisme

Radical dans son rapport au monde consumériste, Keith Haring, dans la continuité du mouvement Pop Art, donne à voir une critique acerbe du capitalisme et de la société de consommation. Représentation de l’hégémonie des États-Unis et du Dollar roi, caricature du personnage phare de la Culture impérialiste américaine, Mickey Mouse se confond avec les traits d’Andy Warhol. La critique a pourtant ses limites car en 1986, Keith Haring ouvre un « Pop Shop » sur Broadway où tous les objets vendus (t-shirts, casquettes…) sont commercialisés à l’effigie de ses oeuvres, reprenant l’idée de l’art accessible à tous, mais sera critiqué par de nombreux spécialistes du monde de l’art qui ont vu ici sur déviance commerciale de son travail.

© Keint Haring - The Political Line 

Religion

Ayant grandi dans un milieu chrétien traditionnel, Keith Haring considère avec beaucoup de recul et un esprit critique l’histoire et notamment celle de la colonisation et de la religion. Haring pensait d’ailleurs qu’ « une grande partie du mal qui se produit dans le monde est causée au nom du bien (religion, faux prophètes, artistes de pacotille, hommes politiques, businessmen…). » Dans ses dessins et peintures, des croix pénètrent les corps, se collent aux cerveaux ; Haring crée dans ses oeuvres tardives des scènes dramatiques dans lesquelles l’Église et ses dogmes sont dénoncés comme étant nocifs pour la société et l’individu. Néanmoins tout en luttant contre toutes les « religions de contrôle », Haring respecte la foi individuelle.

© Keint Haring - The Political Line 

Mass Media

Dans ses premières oeuvres Keith Haring évoque à plusieurs reprises la menace de la substitution de notre réalité par les nouvelles technologies que sont les écrans (télévision et ordinateur). Il s’inquiète par ailleurs du danger qui pèse sur la créativité et l’individualité face à l’hégémonie technologique, remplacant parfois dans ses peintures et ses dessins le cerveau, par la télévision et les écrans d’ordinateur, à l’intérieur desquels, il peint les thématiques qui le préoccupent.

© Keint Haring - The Political Line 

Racisme

Révolté par toutes les discriminations dans un monde pour lui empreint de racisme et d’oppression (colonisation, guerre du Vietnam), l’homme blanc « mauvais » représente pour Haring le pillage, l’esclavage, la cause de la pauvreté. Dès son arrivée à New York il est fasciné par la diversité des populations, il rencontre et fréquente des minorités qui l’attirent et desquelles il se sent proche. Tout au long de sa carrière Haring s’est ainsi attaqué aux problématiques sociopolitiques et a produit un art fortement engagé. En 1985 à la manifestation contre l'apartheid dans Central Park, il a d’ailleurs fait imprimer en 20 000 exemplaires un poster Free South Africa qu’il distribue lui même.

© Keint Haring - The Political Line 

Dernières oeuvres. Sexe, sida et mort

Lorsqu’il arrive à New York pour étudier, Haring assume pleinement son homosexualité et vit une sexualité débridée qui transparaît dans ses oeuvres où le sexe a une part très importante. Lorsque le virus du sida se propage dans les années 80, la lutte contre cette maladie deviendra sa bataille la plus personnelle ; dès 1985, la thématique du sida apparaît, comme dans son autoportrait aux pois rouges. Il s’engage en réalisant des affiches en faveur de rapports sexuels protégés, afin d’informer sur cette épidémie. Il personnifie le virus sous la forme d’un énorme spermatozoïde à cornes dans une série de dessins et de peintures. Touché lui-même par le virus (il apprend qu’il est contaminé en 1988), il décède le 16 février 1990 à New York.

© Keint Haring - The Political Line 

Pour finaliser en grand le parcours artistique riche et passionnant de Keith Haring, direction le CENTQUATRE pour découvrir les oeuvres grand format de l’artiste – bâches et peintures XL sur les thèmes de la religion, de la menace nucléraire et du Sida mais aussi plusieurs sculptures monumentales comme Head Through Belly et King and Queen – ou encore la pièce monumentale des Dix Commandements (dix panneaux de sept mètres de haut) fait l’objet d’un accrochage spectaculaire.  Enfin, dernière étape obligé, la reconstitution du Pop Shop original réalisé dans un container à Tokyo en 1988. Immanquable !

Passionné par la vitalité et la force de l’être humain, Keith Haring développe au fil de son travail un alphabet artistique qui lui est propre et dont les codes ont traversés les décennies, véhiculant des idées toujours en grande partie d’actualité. Ses « subway drawings » réalisés dans le métro qui l’ont rapidement fait connaître à une époque ou le « Street Art » ne portait pas encore son nom où les graffitis étaient considerés commes une violation de la loi ; ses peintures, ses dessins et sculptures, sont encore de nos jours porteurs de messages fort de justice sociale, de liberté individuelle et de changement. Icône du Pop art, artiste subversif et militant, Keith Haring a multiplié les engagements tout au long de sa vie, animé par une envie de transformer le monde de façon positive vers plus de liberté et d’égalité pour tous.

A.