vendredi 17 février 2012

Le cas Zahia!


Il nous aura fallu un petit moment de réflexion avant de nous attaquer à ce morceau de choix qu’est le subit retour en grâce de l’ex call-girl Zahia Dehar et surtout son étonnante reconversion en tant que créatrice de mode… Mode pas vraiment, car la nouvelle spécialité de Miss Z n’est non pas, celle d’habiller les femmes, mais plutôt de les déshabiller.

Connaissant au fil des mois, nos prises de positions, nos goûts, nos coups de cœur, mais également nos coups de gueule, vous deviez vous douter que nous n’avions qu’une seule envie, celle de tirer à boulet rouge sur la jeune nymphette ! Mais à force de lectures diverses à son propos et de réflexions sur ce sujet, notre point de vue a sans doute évolué. En effet, est ce réellement cette jeune femme qu’il faille attaquer ou bien le système médiatique dans lequel nous naviguons dans son ensemble?


Zahia Dehar clôture son défilé


Mais avant de nous intéresser à cela, faisons un rapide retour en arrière.

Zahia Dehar, jeune femme à peine âgée de 18 ans aux courbes aguicheuses, fait la Une de toute la presse à scandale en  2010 pour ses rapports sexuels tarifés avec le joueur de football Franck Ribery, mettant par la même en exergue l’existence de réseaux de call girl agissant dans divers établissements des Champs-Elysées.

De ces débuts médiatiques peu glorieux, entre culpabilité et victimisation, Zahia profite, et ne perdant décidément pas le nord, comprend l’impact de la notoriété, fait déposer et protéger son nom dans divers domaines d’activité tels les huiles de massage, les cosmétiques, les sacs de voyages, les bijoux, les préservatifs, ou encore la production de films et d’émissions de télévision (les lignes de l’univers Zahia sont ainsi dessinées).

Peu de temps après cela, le duo de photographe Pierre et Gilles,  férus de culture populaire et dont les références sont parfois d’un goût douteux, érigent Zahia en Eve des temps Moderne, reprenant la pause de sa célèbre ancêtre, période Botticelli, et lui cachant le sexe d’une pomme que certains de ses plus fervents admirateurs n ‘hésiteraient sans doute pas à… croquer.

Zahia entourée des photographes Pierre et Gilles


Pire, l’édition espagnole du magazine de Mode V, fait d’elle sa couverture et surtout son image pour un numéro spécial Brigitte Bardot. Etonnant parallèle de deux femmes aux parcours (discutables dans chacun des deux cas) diamétralement opposés, dont le seul point commun visuel serait une couleur de cheveux, plus ou moins naturelle pour l’une, outrageusement peroxydée pour l’autre. Plus proche d’une parodie pour public averti de l’héroïne de Roger Vadim que d’une version 21ème siècle de Et Dieu créa la Femme.

Zahia sur la couverture de V Magazine


A moins que…

Et si Dieu au 21ème siècle était le puissant Média avec un M très majuscule ?

En effet, avant il y avait le talent, maintenant il y a la Médiatisation et la reine Image. Génération Loft oblige, la moindre émission de télé réalité, la moindre couverture people, fait de vous une Star, adulée, traquée, épiée. Etoiles filantes médiatiques, Star d’un jour aux lendemains souvent sombres, les exemples que nous pouvons citer sont décidemment bien nombreux. Et Zahia n’échappera peut être pas à cette règle. Qui se souvient encore du brillant avenir de la jeune nymphette des années 2000, Loana ? Même blondeur peroxydée, même image sulfureuse, même vide culturel, la jeune femme, tout juste sortie du Loft saison 1, défile pour Jean-Paul Gaultier et lance une ligne de vêtement au bon goût tout relatif. Tiens, étonnant parallèle n’est-ce pas…?

La seule différence, qui pourrait séparer le destin de nos jeunes exemples blonds serait sans doute les appuis financiers… En effet, c’est bien là que l’histoire devient intrigante et que les réponses manquent… En effet, Zahia Dehar seule, n’aurait jamais eu les moyens de lancer un projet de création d’entreprise et une campagne médiatique aussi importante, sans l’appui de riches investisseurs chinois, à savoir la société First Mark Investments. (La somme investie par cette dernière reste d’ailleurs confidentielle.)

Impossible donc d’échapper à la marée médiatique que fut le « défilé évènement » de « Lingerie fine » du 25 janvier 2012 au Palais de Chaillot présenté par Mlle Zahia. Certains ont détesté, d’autres ont adoré (n’exagérons rien..), la grande majorité est restée perplexe, et c’est d’ailleurs également notre cas.

Perplexe face à un Karl Lagerfeld, prêt à tout pour tenter de rester dans la course du « in » populaire, lui apportant son crédit dans un univers très fermé et terriblement compliqué, shootant la toute nouvelle collection de la blonde créatrice, traçant au passage un parallèle entre le parcours de Zahia et de Gabrielle Chanel (pour le coup, il n’a pas totalement tort, surtout lorsque l’on connaît les débuts douteux de Mlle Coco), la mettant dans la lignée des Chloé de Mero, Emilienne d’Alençon et autre grandes cocottes du 19ème siècle (Mr Lagerfeld aurait-il oublié que ce qui différencie une courtisane d’une call girl n’est pas la capacité d’écarter les cuisses mais l’esprit, mettant ainsi à ses pieds artistes, grands hommes et intellectuels ? ) et affirmant que « rien chez elle n’est vulgaire » (permettez moi d’émettre un sérieux doute à ce propos)…

Perplexe également face aux talents de créatrice d’une jeune femme qui se serait découvert subitement la vocation de styliste et aurait eu l’excellente idée de s’entourer pour ce faire de professionnels du secteur, tels le corsetier François Tamarin, le fleuriste plumassier Bruno Legeron, les brodeurs Jean-Pierre Ollier, Eric-Charles Donatien, Aurélie Lanoiselée, l’accessoiriste Cécile Boccara ou encore le sculpteur plasticien Michel Carel, dont les noms même n’avaient jamais du encore glisser dans les oreilles de la belle…


Défilé Lingerie Zahia Couture 


Perplexe enfin, face à la collection elle-même. Car même si le communiqué de presse explique qu’il s’agit d’une "ligne de tenues d'intérieur légères, raffinées",  même si le travail de broderies, de découpe, les détails réalisés par les multiples artisans ayant collaborés à cette collection sont magnifiques, les modèles, affublés de noms grotesques aux évocations coquino-mièvre tels  « Gourmandise impudique » ou « La danse de la nymphette émue »,  plus proche de la parodie que de la lingerie fine, sont franchement décevant. Pâle copie d’un show à la Victoria Secret, les filles défilent vêtues d’ailes d’anges ou de papillon brodées, de soutien-gorge fruitées, et dans une acmé de mauvais goût, ont le corps bandés de gros ruban en satin rose esprit « baby bondage » - vulgaire !

Défilé Lingerie Zahia Couture 

Défilé Lingerie Zahia Couture 

Défilé Lingerie Zahia Couture 

Paquet cadeau vivant offert en pâture à de futurs riches clients, la femme « Zahia Couture », loin de toute notion d’érotisme tombe dans le pastiche et l’outrancier. Et quand enfin, clou du spectacle, la belle, clôt le numéro, vêtue d’une robe transparente en voile bordée de quelques pétales cachant intelligemment les zones « sensibles » de son corps, on comprend. On comprend que c’est encore là qu’elle excelle le mieux, aguicheuse, presque nue, offerte au public, mi offrande  posée sur l’autel du Dieu Média, mi Symbole d’une nouvelle génération dont la célébrité, est l’unique ambition et qui souhaiterait lui ressembler.

Défilé Lingerie Zahia Couture 

Et quand enfin, après quelques heures, la conférence de presse débute, l’image finit de  s’effondrer. Discours répété minutieusement, univers non maitrisé, personnage fade clairement incapable d’avoir crée une collection de Mode, M6 capte quelques minutes dune interview désastreuse (depuis supprimée de la toile) qui ne laissa plus aucun doute sur les tenants et les aboutissants d’un simple prête nom dans l’objectif de créer un marque rentable financièrement.

Interview donnée pour M6

Faut-il pour autant jeter la pierre à l’ancienne Escort Girl sortie du ruisseau ? Je ne pense pas. L’éminence grise de la mode, Jean-Jacques Picart en personne affirme : « La mode est le reflet parfait d’un moment, d’une société à une certaine heure, et aujourd’hui, beaucoup de barrières ont sautées. Si Zahia, qui est très probablement une fille maligne, peut trouver matière, dans le scandale d’il y a quelques mois, à se faire une nouvelle vie, tant mieux. ».

Ceux qui sont à blâmer en revanche, sont les professionnels du monde de la Mode et des Médias qui ont participés et qui continuent de participer à cette mascarade de mauvais goût avec comme seul objectif la Spectacularisation et l’appât de l’argent. Le destin de Zahia Dehar est très certainement un sujet intéressant à étudier dans son approche sociétale et sociologique, mais en aucun cas par le prisme d’un éventuel talent de créatrice de mode. Laissons d’ailleurs pour cela le soin à Mlle Adjani de dresser « l’émouvant portrait » de l’ex call-girl pour laquelle elle aurait eu un véritable « coup de cœur »…

Symbole d’une époque  ou Comte de fée des temps moderne, le cas Zahia n’est décidément pas prêt de se terminer. Dans tous les cas, le prochain épisode, aura lieu le 9 juillet prochain, durant les pré-collections d'été, ou la jeune femme présentera une seconde ligne issue de la "Collection Couture Zahia", spécialement créée à son effigie. Affaire à suivre donc…

A.

15 commentaires:

  1. Excellent article! Un sujet bien maîtrisé.

    Cordialement,

    Joël.
    http://moietjoel.blogspot.com/

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  2. Vous avez parfaitement synthétiser l'ensemble des réactions que suscite ce défilé.
    je pense que personne n'est dupe.
    Karl, tu deviens vraiment décevant.

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  3. Bravo! Très bon article! Vous avez parfaitement résumé la situation...Il y a de plus en plus une course au plus sordide, vendeur, croustillant chez les médias même les plus respectables qui devient assez écoeurant! Quand j'ai lu certains compte-rendus émus, flatteurs...du défilé, ça a été la goutte d'eau! Et Karl...La course à la notoriété a des limites!

    Bises
    Hayley
    http://thesisters-diary.blogspot.com

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  4. Faire l'éloge d'une jeune femme totalement imbriquée dans une logique masculine -réussir dénudée- (M. Lagerfeld prétendant pouvoir la comparer à ces "muses" d'un autre temps - mais une muse dans l’œil masculin, c'est quoi? Une femme réduite à un objet! - ) devrait donner sérieusement du souci aux féministes -les sufragettes se retournent dans leur tombe- !!! Rien contre cette jeune fille ni contre le burlesque ou la lingerie coquine, mais je préfère Dita ...

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  5. Une fois de plus, un sujet dont j'attendais un article ici. Et je ne suis pas déçue ! Très belle analyse de ce conte de fée : fille de la déesse Médiatisation et du dieu Fric, leur petite progéniture, la nymphette Zahia
    est dotée d'une marraine sulfureuse, la fée Sexe, sans qui rien ne semble devoir se vendre aujourd'hui.
    Mais comparé aux histoires qui ont bercées mon enfance, celle-là ne me fait pas rêver.

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  6. Très belle satyre ! Le monde de la mode est un paradoxe qui démocratise à la fois les goûts et les couleurs, mais qui pourtant ne laisse pas de place à l'erreur. (ex: Le désastre de Lindsay Lohan qui s'était improvisée Styliste pour Ungaro) Le stylisme est un vrai métier, et les gens avertis le savent bien. Le buzz passe, mais le talent lui reste ... Alors souhaitons à Zahia (sans juger son passé) de tenir la distance, plutôt que de s'orienter vers un destin sans grande promesse ;) ! L'avenir nous le dira ...

    Des bisous, m.

    http://www.cahierdetendances.com/2012/02/16/concours-palm-beach-casino-weekend-de-la-femme-soiree-privee-10x2-invitations-a-gagner/

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  7. moé moi je suis pas adepte de sa collection ni de la femme et encore moins du système et je ne la plaindrais pas car elle a su trouver son compte dans ce monde qui l'utilise surement aussi un peu

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  8. J'espère que cette jeune personne va garder son équilibre dans ce monde très spécial, et étant donné son histoire.
    A 50 minutes inside, la question se posait sur sa poitrine : vraie ou fausse.
    J'ai vu des critiques de ses interviews.
    Il me semble que certaines photos sont retouchées car la courbe de sa mâchoire n'est pas aussi parfaite que celle de Bardot.
    Je ne comprends pas la fougue de Lagerfeld, ni celle d'Isabelle Adjani.
    Mettre des fleurs partout ou des rubans ne constitue pas une vraie collection de couture.. surtout de lingerie.
    En tout cas, cette jeune personne a des "protecteurs"... mais personne n'oubliera jamais ses "origines".

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  9. Effectivement, pour reprendre cette dernière phrase, personne n'oubliera jamais ses "origines".... ni celles de personne d'ailleurs... Mlle Chanel en tête, malgré le mal qu'elle s'est donné n'a pu cacher ses débuts un peu flou dans des cabarets de Province.... L'époque changeant, Mlle Z assume et joue de cela...

    Mais avant que je ne m'égare dans une nouvelle direction, je tenais à m'excuser sincèrement du retard de ma réponse. Merci à toutes et à tous de vos messages. Tous vrais, tous juste, tous réfléchis, soulevant chacun un point différent du cas Zahia....

    Oui, les temps ont changé donc... la grande maraine Sexe est effectivement bien plus présente, ne cachant plus ses attraits sous aucun voile... la chose qu'aucune de ces "petites stars en herbe" n'a sans doute prévu, c'est la fugacité de tout cela... aussi vite le Dieu Média se sert de vous, aussi vite il vous oubli... et plus dure en sera la chute...

    Quant à Karl.... tropl c'est trop... un beau jour, un article sortira... bientôt...

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  10. Bravo pour cet article!

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    1. Avec "un peu" de retard, merci infiniment pour ce commentaire! ;-)

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  11. Avant Zahia ce genre de tenues était portée par des actrices porno et les prostituées vulgaires. Le milieu de la mode tient son égérie post porno trash.
    Une barbie acidulée, péroxydée et sexy à souhait. Toutes les pétasses bourgeoises pourront désormais s' habiller comme des putes tout en restant classes ou comment le système a récupéré une ex prostituée mineure ( jouet sexuel des tournantes du foot business ) pour vendre des petites culottes.
    Les affairistes sont bien les plus gros proxos du monde. Le petit mec qui la suit tout le temps dit êtr leur homme de main.

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    1. Quelle diatribe!... bravo... beaucoup de vérités malheureusement.... un point positif que l'on ne pourra cependant pas lui reprocher, l'ensemble de ses collections est réalisée, dessinée, prototypée et confectionnée en France, par des anciennes de chez Lejaby, au moins cela aura le bon goût de faire fonctionner et travailler des employés français et de défendre un savoir faire national...

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  12. Impossible d'imaginer que personne n'ait critiqué cet article, émis le moindre doute, remarqué à quel point le chroniqueur est fielleux et enfermé dans ses propres angoisses, névroses et complexes. Les commentaires négatifs ou perspicaces sont donc délibérément effacés ? Bel exemple de désinformation qui enlève toute légitimité à l'ensemble du bloc.

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  13. Impossible d'imaginer que personne n'ait critiqué cet article, émis le moindre doute, remarqué à quel point le chroniqueur est fielleux et enfermé dans ses propres angoisses, névroses et complexes. Les commentaires négatifs ou perspicaces sont donc délibérément effacés ? Bel exemple de désinformation qui enlève toute légitimité à l'ensemble du bloc.

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