vendredi 16 mai 2014

DRIES VAN NOTEN - INSPIRATIONS



Voici déjà quelques semaines que nous souhaitions aller découvrir l’exposition Dries Van Noten au Musée des Arts Décoratifs. Inconditionnels du travail du créateur belge dont les défilés « esthético-ethnique » nous ont fait passionnément aimer son univers à l’élégance intemporel, il nous semblait impossible de passer à coté de cette première grande rétrospective parisienne. Bien plus qu’un simple créateur, Dries Van Noten, dont la richesse de son univers semble infinie, est sans doute l’une des personnalités du monde de la Mode contemporaine les plus intéressantes. Initié par tradition familiale à la culture textile, son grand-père était tailleur et ses parents propriétaires d’un magasin multimarque, Dries Van Noten, sort diplômé de la prestigieuse Académie Royale des Beaux-arts d’Anvers et lance sa marque éponyme en 1986. Année qui voit également la naissance à Londres du fameux groupe des « Six d’Anvers» aux cotés de Walter Van Beirendonck, Ann Demeulemeester, Dirk Van Saene, Dirk Bikkembergs ou encore Marina Yee, constituant un groupe informel de jeunes créateurs belges devenu synonyme d’avant-garde de la mode. S’appuyant sur un brassage d’images d’hier et d’aujourd’hui, de cultures venues d’ailleurs ressuscitées au travers ses collections, toujours une mémoire, un souvenir ou la trace d’un voyage intime, le vocabulaire esthétique de Dries Van Noten est identifiable presque immédiatement.

Plus qu’une simple exposition, l’évènement organisé par le Musée des Arts décoratifs est une invitation à un voyage intime et affectif de l’univers du créateur belge. En effet, présentant ses sources d’inspiration nombreuses et multiples, Dries Van Noten a choisi, bien plus que de réaliser un catalogue imagé de ses dernières années de défilés, de nous révéler plutôt son processus de création. Ce projet totalement inédit, fait d’accumulations choisies et de superpositions pensées, confronte les collections de mode féminine et masculine de Dries van Noten aux pièces d’archive des Arts Décoratifs, ainsi qu’aux photos, vidéos, extraits de films, références musicales ou œuvres d’art, d’Yves Klein à Francis Bacon en passant par Elizabeth Peyton ou encore Damien Hirst, qui ont nourri sa création. A l’image des « Chambres de merveilles » de la Renaissance qui rassemblaient des objets « mémorables », des souvenirs, Dries Van Noten a réuni des éléments qui reflètent ses sources d’inspiration, qui lui sont chers. Un assemblage savant, aux allures initiatiques, se rencontrent les références historiques et artistiques, ethniques et cinématographiques, musicales ou géographiques, réunissant la création de tous les Arts. 

L’or et le noir

Virtuose incontesté de la couleur, et des imprimés, qu’il traite comme un peintre utiliserait sa palette, Dries Van Noten n’en est pas moins également maître du noir qu’il utilise comme une matière à part entière. Noir profond, noir subtil, noir brillant, le noir se fait multiple dans les mains du créateur Anversois et fait des clin d’œil à l’élégance des films Hollywoodiens d’avant-guerre. Smoking masculin revisité, noir contrasté de blanc optique ou de broderies de fils d’argent, celui-ci prend également des accents gothiques, inspirés par les costumes victoriens du merveilleux film de Jane Campion – La Leçon de Piano. Plus estival, le noir s’associe au coton blanc immaculé et s’illumine d’or.


© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten - Inspirations
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten 
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten

© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten - Inspirations

Graal philosophique, quête inespérée de toutes civilisations, l’or est la matière de tous les désirs ; et l’univers de la mode n’en fait pas défaut. Travaillé en touches, en broderies ou en all over, l’or, à connotation ethnique, est l’un des codes fort de Dries Van Noten et présent sur quasiment l’ensemble de ses collections et se fait l’accessoire idéal pour illuminer la sombre couleur noir. Jamais bling, jamais vulgaire, l’or chez Dries est souvent mâte et se teinte d’accents ethniques, inspiré par les somptueux costumes traditionnels d’Asie et d’Afrique ; ou en référence à l’or utilisé durant l’explosion de l’Art Déco au début des années 20 pour son aspect lumineux et graphique.


© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten - Inspirations
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten 


L’Art

Autre source primordiale et quasi infinie dans le travail de création du styliste belge, le domaine de l’Art. Ses défilés peuvent tout autant témoigner d’une émotion ressentie devant une toile ou le travail d’un artiste. Les œuvres de Francis Bacon, d’Elizabeth Peyton ont donné lieu à des inspirations directes, traduites en gammes de couleurs ou en imprimés. Toute la collection femme Automne Hiver 2009 par exemple décline l’œuvre du premier, tandis que la collection homme Printemps Été de la même année est construite autour d’un seul tableau d’Elizabeth Peyton : « Democrates are more beautiful » - 2001. La référence peut être moins immédiate et davantage relever de l’intime et de l’évocation. Dries Van Noten peut ne retenir qu’une couleur, une gestuelle ou une atmosphère. Inversement d’autres collections, mirent en avant les œuvres de certains artistes de façon plus évidente, reprenant des imprimés, des graphiques, comme par exemple pour la très belle collection Vasarely.


© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten - Inspirations - Vasarely
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten - Inspirations

L’homme

De Cocteau à Visconti en passant par le sulfureux Duc de Westminster, l’homme Dries Van Noten (et ses référents) est indéniablement un dandy. Dandy moderne vivant avec son temps, le créateur Anversois n’hésite pas pour autant à jeter un coup d’œil dans le passé à une époque ou les personnages raffinés (et ambigus) de la Recherche du Temps Perdu de marcel Proust dictaient les  élégances parisiennes.  Mais résumer le style masculin de Dries Van Noten au cliché du Baron de Montesquiou serait un peu réducteur. Mixant sur chaque silhouettes, différentes références, allant des tartans anglais et des shetlands de son enfance aux uniformes militaires (quintessence d’une certaine vision de la virilité et d’un style masculin dédié à la parade) aux riches passementeries et brandebourgs dorés, Dries Van Noten use parfois des oppositions homme – femme pour repousser les limites de la garde-robe masculines : des tissus connotés comme féminins telle que la dentelle, la fourrure, la soie par exemple habillent l’homme tandis que, inversement, les coupes masculines sont déclinées dans les collections femmes. Le tout donnant parfois des silhouettes d’une justesse incroyable telle cet incroyable camaïeu de camel, subtil mélange de draps de laines masculins, et de détails raffinés de broderie et de fourrure.


© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten 
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten - Inspirations

Le Jardin

Autre passion parmi les plus chères de Dries Van Noten, celle de la Nature, et de l’univers floral qu’il cultive lui même assidument à Anvers. Grand classique de la garde robe féminine, le vocabulaire floral, hommage poétique rendu à la femme, a lui aussi été détourné par le talentueux créateur belge. Aplats de couleurs, broderies all over, impression numériques, clins d’œil impressionniste, ou encore en incrustation sur de la fourrure, toutes les méthodes sont bonnes au créateur belge pour mettre en valeur la délicatesse et l’explosion de couleur offerte par la Nature. Plus conceptuel, il est bon de rappeler qu’en parallèle à la finesse de celle-ci, Dries Van Noten a été l’un des pionniers des références à l’univers du sport et d’une certaine street culture. Parka over size imprimée ou robe sanglée en soie technique, le tout brodé main d’un motif floral ne sont que quelqu’uns des exemples de ces looks précurseurs de l’une des plus grande tendance de ces dernières saisons. L’imprimé  floral servant de toile de fond à l’exposition a d’ailleurs été réalisé par ses équipes afin de se placer comme une œuvre in situ et de participer au voyage du visiteur.


© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten - Inspirations
© Les Garçons aux Foulards - Christian Dior
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten 
























Les Voyages

Domaine du voyage qui est sans conteste l’une des plus belles et des plus fortes signatures stylistiques de Dries Van Noten. Savant mélange de touches ethniques, chacun des défilés du créateur belge est une invitation au voyage et à la découverte de nouvelles cultures. Dries Van Noten peut ainsi élaborer ses collections à partir de voyages fantasmés, de lieux exotiques qu’il fait surgir de son imaginaire et qui pourtant empruntent aux différentes traditions ethniques et folkloriques de l’Inde, de la Chine, de l’Afrique ou du Mexique. Les images alors inventées apportent à ses textiles un raffinement extrême, tant dans le choix des motifs imprimés que dans les tissages et le choix des matières. Ainsi les blouses kimono d’inspiration japonaise croisent les manteaux brodés indiens ou encore les immenses jupons mexicains et les wax indonésiens dans un dialogue éclectique et coloré.


© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten
© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten





© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten 




© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten

La puissance et la force du rouge chez Mark Rothko, la lumière bleue si particulière de la grotte de Capri ou la fragilité qu’évoque le papillon peuvent être le point de départ d’une collection. Car les sources d’inspiration de Dries Van Noten dépassent la hiérarchie des arts et la culture vernaculaire est pour lui tout aussi riche d’influences. Ses créations se nourrissent de ces contrastes et la dualité est aussi une autre constante de son vocabulaire. 
En décelant des influences, des analogies et des contradictions, la mode, les arts décoratifs et les beaux-arts ont été réunis dans cette exposition pour construire le vocabulaire intime et la démarche distinctive du créateur anversois. Evoquant des thématiques intimes telles que la Jeunesse, l’Archétype, L’Ambiguïté, la Passion, ou encore pour créer une promenade à travers les thèmes qui composent sa signature, des pièces anonymes du XIXe siècle ou de couturiers emblématiques comme Elsa Schiaparelli, Christian Dior ou de créateurs des années 1980 ont été sélectionnées, ayant pour résultat un voyage intime et captivant au cœur de l’univers de l’un des créateurs les plus riches et les plus généreux de notre époque. Contraste de l’Occident et de l’Orient, du Moderne et de l’Ancien, du Masculin et du Féminin, du Brute et du Délicat, c’est aussi sans doué cela que nous apprend Dries Van Noten, à développer notre capacité d’ouverture d’esprit, à nous imprégner de toute forme de culture, à comprendre que tout se mélange, que tout s’enrichit, que tout peut dialoguer, et que le résultat de tout cela en est sans doute encore plus intéressant. Plus qu’une leçon de style, Dries Van Noten nous offre sans doute une leçon de vie ! A découvrir sans plus tarder !

A.


DRIES VAN NOTEN - INSPIRATIONS
Jusqu’au 31 août 2014


Musée des Arts Décoratifs

107, rue de Rivoli – 75001 Paris
Du mardi au dimanche de 11 h à 18 h
(Nocturne le jeudi jusqu’à 21h)

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