« Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le zizi ! Le vrai, le faux,
le laid, le beau… ». C’est sur les notes malicieuses de la célèbre chanson
de Pierre Perret, qu’aurait pu avoir lieu le dernier défilé homme du créateur
Rick Owens ; montrant pour la première fois sur un podium le sexe de
plusieurs de ses mannequins. Mise en scène et coupes des vêtements savamment
conçus afin de mettre en valeur d’une certaine façon l’objet interdit, les
vestes, tuniques longues et autres pièces à manches de la collection hiver 2015
ont affolés depuis deux jours le petit monde de la mode et pas que(ue). Une
fois la surprise passée (voir le choc pour certains) doit donc se poser un
minimum de réflexion et questionnement sur l’acte en lui même, car après tout
un tel parti pris stylistique ne peut que surprendre.
Le discours officiel du créateur
et de son service communication est l’invocation d’une collection inspirée par
l’univers monacal, la sobriété, la simplicité ; et par truchement j’en
conclu qu’influencé par les ordres Bénédictin ou Cistercien, Rickie (ou Dickie
selon) s’est senti le besoin de retirer, sans doute pour plus de véracité, les
sous vêtements de ses modèles. Bon, pour la véracité j’entends bien, après
clairement même si les rumeurs sur les mœurs douteuses des moines font parfois
couler beaucoup d’encre, il serait de notoriété publique si frère Toc et ses
comparses se baladaient la nouille à l’air !…
Crédibilité 6/20
Autre option, Dick Owens (et oui
il a depuis gagné un éternel surnom), dans une volonté de réflexion sur la
nudité masculine et l’égalité des sexes, s’est senti invoqué d’un devoir de mise
en avant du « petit joufflu » pour créer un pendant à l’hyper
sexualisation du corps féminin dans l’univers de la publicité et de la mode.
Peut être. Cependant lorsque l’on pense à certains défilés événements comme
celui d’un Hussein Chalayan il y a
quelques années de cela, faisant défilé des femmes voilées, leurs corps se
dénudant progressivement pour finir totalement nue, le visage juste recouvert
d’un masque en métal traditionnel, le créateur d’origine Chypriote pose une
vrai réflexion et un vrai regard sur la place de la femme et la réappropriation
de son corps dans le monde contemporain et la culture musulmane. Concernant la
réflexion de Mr Owens quant à la réappropriation du corps masculin en occident
en 2015, j’ai tout de même un grand doute.
Crédibilité 4/20
© Hussein Chalayan |
Ensuite comme pour toutes formes
de création s’approchant de près ou de loin à un art appliqué nous pouvons nous
questionner sur la façon dont cet acte de déshabillage partiel et ciblé peut
faire évoluer l’histoire de la mode et du costume et éventuellement nos mœurs
sociétales. La encore les artistes plasticiens ont déjà depuis très longtemps
travaillés sur perception du corps, de la nudité, du mouvement du corps, par le
biais de peinture, vidéo, photographie, performance ou encore de représentation
de danse contemporaine ou les corps nus sur scène, exultent et vibrent, muscle
après muscle ; et non pas attendus Dicky pour réfléchir sur cela. De plus
outre l’esprit créatif d’un défilé, rappelons qu’une collection de
prêt-à-porter a pour objectif avant tout de créer des vêtements afin d’habiller
le corps et de recouvrir de quelques centimètres (ou plus) de tissus les
parties du corps sensible et les protéger d’une certaine façon du monde
extérieur. La encore, l’absence remarqué de bas ne peut que souligner le
« vide » de cette collection… Et de là à ce qu’il y ai une tendance
du « zérokini » ou « zerokiki » ce ne sera sans doute pas
pour demain. On notera cependant l’aspect pratique (mais assez inélégant
soyons honnête) du petit trou d’aération, ou d’aisance, qui ravira sans doute
une certaine clientèle…
Crédibilité 5/20
© Rick Owens FW15 #dickowens |
© Rick Owens FW15 #dickowens |
Reste enfin l’aspect
communication sur les médias et les réseaux sociaux de cet évènement dans un
monde ultra connecté ou les acteurs de l’industrie de la mode se servent plus
que de raison de cette arme contemporaine. Créant le buzz à chaque défilé
depuis plusieurs saisons par des mises en scènes spectaculaires contrastant
entre lumière et obscurité, vide et pleins de l’espace ou encore comme lors de
la dernière collection où les mannequins défilaient au son live d’un groupe de
hard rock estonien, la tête à l’envers, suspendu dans les airs ; Ou
encore, celui qui mettait en scène des danseuses de stepping métissées portées
par une chorégraphie magistralement bien orchestrée ! Rick Owens
n’a donc rien trouvé de mieux cette fois ci que de dénuder l’entre jambe de ces
messieurs. Car au final, deux jours après le show, qui se souvient encore des
silhouettes un peu pauvre de cette collection, dans des nuances de beiges et de
gris sales ? Personne ou presque ; la foule dans sa grande majorité
ne retiendra que quelques gros plans bien cadrés, créant le buzz sur Twitter et
Facebook. Outre Grazia, GQ ou encore l’express Style, des magasines plus
sérieux tel que Le Monde ou Le Parisien ont dédiés des articles au créateur
faisant découvrir la griffe à une foule de néophytes qui n’avait jamais sans
doute entendu parlé du travail minimalismo-gothique du créateur francophile.
© Rick Owens FW15 #dickowens |
© Rick Owens FW15 #dickowens |
© Rick Owens FW15 #dickowens |
© Rick Owens FW15 #dickowens |
Mais à quel prix ? Car au
final tout le monde en a certes parlé, le buzz a fonctionné, mais ce qui en a
été dit, n’a pas été la plupart du temps très positif, bien au contraire.
Le défilé traité par les médias
comme « surprenant », « anecdotique »… a été risé sur la
toile et taxé de ridicule par la grande majorité des internautes ; rappellant
se ce fait que le seul fait d’arme de Dick Owens aura été cette saison de faire
défiler, au lieu de silhouettes ou de vêtements, des sexes d’homme apparent.
Rien dont de très glorieux donc.
Et malheureusement ce type de
publicité demeure assez décevante ; car quand on a marqué d’une certaine
façon l’histoire de la mode contemporaine comme le fait Rick Owens depuis une
dizaine d’années, finir par devoir arriver à de tel extrêmes pour réussir à
faire parler de soi est assez pathétique.
Probabilité 16/20
© Rick Owens FW15 #dickowens |
Le buzz n’est que du buzz et a
des retombées limitées. Celles et ceux qui n’avaient pas entendu parler du
créateur auront ils soudainement envie d’acheter des pièces de la marque suite
à cela ? J’ai un doute… La vrai clientèle assez intellectuelle de Rick
Owens appréciera t-elle ou se reconnaitra t-elle dans ceci ? Peut-être…
Les résultats commerciaux …… Ne manque plus qu’une collection future en
collaboration avec H& M ou Primark et on sera bien au fond du gouffre infini du
maintstream actuel! Seul déception, Rick Owens, en tant que fidèle
défendeur de ses créations et de son message stylistique, aurait lui aussi pu
venir saluer son public dans l’une de ses tenues phares de la saison !...
A.
© Rick Owens FW15 #dickowens |
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