Novembre, le mois de la Photo à
Paris, le mois également qui a été choisit pour présenter une exposition autour
d’un classique de la maison Chanel –
la Petite Veste Noire. Revisitée,
sublimée, détournée, la collaboration de Karl
Lagerfeld à la photographie et de Carine
Roitfeld au stylisme met en valeur cet objet culte et fantasmée par des
générations de femmes (mais aussi d’hommes) en quête d’élégance et de
« Statement Fashion » absolu. L’occasion aussi pour les Garçons aux
Foulards de collaborer avec un nouvel
invité – Sébastien Appiotti.
Passionné de photographie, d’écriture et de littérature, il est d’ailleurs le
co-fondateur du très bon blog photographique Photophores et nous livre sa
vision de cette exposition incontournable et iconique mettant en scène
personnalités du monde de la mode, de l’art, du cinéma et de la musique face à
l’objectif en noir et blanc acéré du Keyser. Mais nul besoin d’en dévoiler
d’avantage, faisons place et découvrons !
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© Sébastien Appiotti pour Les Garçons aux Foulards |
La petite veste noire, une
exposition-vitrine
Le lieu choisi, le Grand
Palais, où se déroulent les défilés Chanel depuis plusieurs années, est un des
éléments offrant sur le papier la légitimité nécessaire pour placer ces
photographies de mode au rang d’exposition à part entière. Présentée du 10
au 25 novembre à Paris, le spectateur, après la surprenante déconvenue de
se voir réduit à monter un escalier en fer interminable, se retrouve face à
« The Little Black Jacket ». Une ambiance tamisée, intime,
offrant une relation privilégiée entre le spectateur et les photographies, de
grand format. L’espace dédié au Grand Palais est immense, et offre deux
perspectives sur des murs de photographies, dans un souci permanent de
minimalisme et d’élégance.
© Sébastien Appiotti pour Les Garçons aux Foulards |
La recherche de
légitimité en tant qu’exposition, et non pas simplement en tant qu’élément
de marketing et de promotion d’une image de marque, est d’emblée recherchée à
travers la présentation de Karl Lagerfeld photographe. On connaît ce dernier
pour ses créations Chanel, mais également pour ses casquettes multiples: sa
griffe éponyme, ses collaborations, ses apparitions dans des films et
publicités. Karl Lagerfeld est iconique, mais est-il pour autant
photographe? Ce dernier nous est présenté comme exposant depuis 1989, avec
des passages remarqués à Paris, au Musée d’art Moderne en 1991, à la FIAC en
1997 et à la MEP en 2010.
Force est de constater que
le duo Lagerfeld/Roitfeld a eu avec Chanel les moyens de ses ambitions: l’exposition
est itinérante depuis avril 2012, avec un passage dans 10 villes, couvrant
ainsi capitales de la mode et hauts lieux culturels du monde entier - Tokyo,
New-York, Londres, Moscou, Paris ... Une exposition qui joue sur le duo
unité thématique - la veste noire - / diversité dans l’exécution de
la prise de vue et de la mise en valeur de la pièce portée. Celle-ci comporte
un mur droit de 30 photographies sur 3 rangées, soit 90 portraits, et un mur
gauche contenant une dizaine de grands formats, rouge, bleu, noir et blanc. Au
fond de la salle, une installation consacrée à Yoko Ono, faisant face de
l’autre côté à des tirages géants de photographies en négatif.
© Sébastien Appiotti pour Les Garçons aux Foulards |
Photographies de mode ou
mode de la photographie ?
L’équipe autour de ce
projet a rassemblé plus de 25 personnes; le casting est digne d’un Who’s
who mêlant stars internationales, françaises, personnalités dans le
monde de la mode: Sofia Coppola, Yoko Ono, Kirsten Dunst, Ayo, Sarah Jessica
Parker, Romain Duris, Inès de la Fressange, tous éclipsés par Anna Wintour,
dont le magnétisme photographique nous a frappé: elle est la seule
à être de dos, coiffure reconnaissable entre mille, placée plein centre parmi
90 photos sur le mur droit.
Deux éléments changent
toutefois la donne par rapport à une exposition « classique » : l’entrée
est gratuite, les photographies sont autorisées. Un public plutôt jeune,
international, majoritairement féminin. Cette exposition est un lieu de
création de désir autour de la marque au double C. Le vêtement basique,
intemporel, créé par Coco Chanel en 1954, décliné en une multitude de coupes,
textures est la trame de l’exposition, la photographie en est l’intermédiaire:
photographies de mode et public photographiant les photographies.
© Sébastien Appiotti pour Les Garçons aux Foulards |
Le choix du noir et blanc
grand format n’est pas anodin: on insiste sur la notion d’héritage Chanel, la
petite veste noire comme symbole d’un style et d’une histoire sur le temps long
de la mode. La cohérence est totale avec le lieu d’exposition: une sorte de
galerie-loft en longueur, très sombre et épurée. Du grand format, avec une
attention accrue sur la recherche de l’expression, de la « juste pose »
pour mettre le mieux en valeur cette pièce iconique qu’est la petite veste
noire.
Entendue à de maintes
reprises, la question du « Qui » semble être plus importante
que celles du « Pourquoi » ou du « Comment »: on vient voir
Chanel porté par l’élite mondaine et artistique actuelle, on vient voir Karl
Lagerfeld, bien plus que les photographies de Karl Lagerfeld !...
Le mur droit, présentant
pas moins de 90 photographies divisées en 30 X 3 est particulièrement
intrigant: chaque spectateur semble scruter les éléments qui vont constituer sa
définition de la veste noire, avec photographies à la clé.
Un rapide coup d’oeil sur Instagram
le prouve: pas moins de 7500 photographies ont été identifiées avec les tags #thelittleblackjacket
, #littleblackjacket , #lapetitevestenoire , et combien d’autres
nous échappant sur Facebook ou Twitter. La petite veste est un vêtement qui se
partage: non pas via des encarts publicitaires Chanel, mais par de la
photographie privée, celle du spectateur. Désormais, vous, lecteur, percevez
mieux ce qui m’a fasciné dans cette exposition: la mise en abyme, soit
le procédé consistant à reproduire une oeuvre dans une oeuvre. Exemple pratique:
le spectateur en extase devant la petite veste noire et photographiant de la
photo pendant cette exposition.
© Sébastien Appiotti pour Les Garçons aux Foulards |
J’emporte un petit bout de
la veste noire et je repars par l’escalier de service
Le Diable pourrait
désormais bien s’habiller en Chanel: avant de partir, une boutique éphémère
attire votre oeil. Le staff Chanel vous accueille, et vous propose de choisir
un poster parmi quatre: une chanteuse, une modèle, une actrice internationale,
et Virginie Viard, Chanel Studio Director. Au pays du
tout payant, le poster est gratuit: L’employé Chanel présent sur place me
souligne la surprise des spectateurs pensant payer pour ramener un bout de la
veste noire chez eux.
La photographie est
gratuite, elle est éditée à des milliers d’exemplaires: non seulement le
spectateur photographie, mais il emporte sa veste noire avec une probabilité
assez forte de l’afficher étant donné la qualité des photos proposées. La
logique Chanel est implacable: faire de la photographie un media de
communication autour d’une pièce iconique, la veste noire, autour d’un concept
novateur, l’exposition 2.0: celle qui se laisse photographier, celle dont
on peut emporter un fragment. Mais c’est aussi l’exposition qui a un ascenseur « out
of service », et des conditions d’accès indignes de l’ambition
initiale affichée: cela est paradoxalement rassurant, Chanel n’a pas
(encore) pensé à tout.
S.A.
© Sébastien Appiotti pour Les Garçons aux Foulards |
J'aurai adoré voir l'expo. J'ai acheté le livre que je trouve absolument sublime. Quel beau travail que nous ont réalisé Carine et Lagerfeld.
RépondreSupprimerBonjour Camille,
SupprimerJe n'ai effectivement pas non plus pu m'empêcher d'acheter le livre qui est vraiment Ma-Gni-Fique! Une belle idée cadeau pour Noel aussi d'ailleurs! ;-)
Merci encore pour ce message et à très bientôt! ;-)
A.
Bonjour
RépondreSupprimerSuper heureuse d'avoir découvert cet expo!!! merci
Bonjour, Ravi que l'article vous ai plu! L'exposition fut effectivement très belle! ;-)
SupprimerA très bientôt.