Gabrielle Chanel disait en son temps "La mode se démode, mais
le style jamais". Sa maison a su perdurer au fil des
décennies et des créateurs talentueux mettant en avant son héritage
stylistique ; d’autres maisons malheureusement n’ont pas toujours pu en
dire autant. C’est le cas récemment de la maison éponyme Jean-Paul Gautier, qui
a tirée sa révérence (ou presque) au monde de la Mode, il y a quelques petites
semaines lors d’un défilé « événement » durant la Fashion
Week Parisienne après une trentaine d’année à exercer le beau (et cruel)
métier de créateur de mode. Beau, sans conteste, car le styliste crée une
esthétique, une élégance, une folie grisante que de riches clientes rêvent de
porter, cruel, indéniablement aussi, car au fil des saisons, des années, voir
des décennies pour les plus chanceux, la mode qui les a fait connaître et aimer
parfois même du grand public, s’en est allée, et les clientes, infidèles porte-monnaies toujours en quête de sensations stylistiques
nouvelles sont parties vers de nouvelles tendances.
Car au final, la vérité est la
suivante derrière le joli discours ; les
clientes Jean-Paul Gaultier ont (mal) vieillies, au même rythme que le créateur
et celui-ci n’a pas su capter une nouvelle typologie de clientèle en quête
d’une mode plus contemporaine, plus dans l’air du temps, gonflée d’accessoires
désirables ou de it bag vendus aux 4 coins du globe. Au fil des années les
différentes lignes commerciales de Jean-Paul Gaultier ont disparues les unes
après les autres – de Gaultier Jeans, à Gaultier2 en passant par la ligne
Soleil ou Monsieur, toutes ont périclitées au fil des années (au rythme de
leurs licenciés disparus aussi – le géant italien Ittierre notamment) et n’ont
su être rentables. Car c’est bien de
cela qu’il s’agit – Rentabilité. Gros mot pour certains, Graal absolu pour
d’autres, le concept de rentabilité est celui qui régît toute logique
entrepreneuriale dans l’univers de la mode, surtout quand la marque n’est
plus indépendante mais appartient à un fond d’investissement (comme celui qui a
fait couler Christian Lacroix par exemple) ou à un groupe financier (LVMH,
Kering, Staff International…). C’est dans ce dernier cas de figure que se
trouvait Jean-Paul Gaultier, ayant vendu une partie de ses actions au groupe catalan Puig qui est devenu ainsi
actionnaire majoritaire de la marque française en 2011, laissant cependant
le créateur à la tête de la direction artistique de celle-ci.
En moins de trois ans, le groupe
espagnol a fait ce que l’on pourrait appeler un très grand ménage de printemps
dans les comptes de la société, se débarrassant de tout ce qu’elle ne jugeait
pas rentable, fermant petit à petit les différents points de vente de la
marque, ses boutiques en propres, les corners en grands magasin, mais aussi les
différentes lignes de la marque, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’une -
Jean-Paul Gaultier Femme, qui vient elle aussi de faire ses adieux. Le discours
officiel est que Jean-Paul Gaultier est fatigué par le rythme incessant des
collections et préfère se concentrer sur son travail pour la Haute Couture. Un
bien joli discours parfaitement rodé effectivement. La réalité est pourtant
tout autre. Car même si monsieur Gaultier est « fatigué » (et il est
tout à fait possible de le comprendre), l’arrêt de la ligne de prêt-à-porter
n’est pas la seule décision du créateur (ne soyons pas totalement naïf), mais
bien une décision prise par un comité de direction et des actionnaires décidant
de mettre fin à l’une des dépenses les plus importantes d’une marque – la
création d’une collection de mode 2 à 4 fois par an. Car entre le personnel,
les frais de prototypage et de production, la note peut très vite s’élever avec
des centaines de milliers, voir des millions d’euros.
Mais pourquoi garder la Haute Couture alors me
demanderez-vous ? Par succès commercial ? Peut être pas, car même si
Jean-Paul Gaultier est l’un des rares créateurs à avoir encore aujourd’hui une
vraie clientèle fidèle Haute Couture, composée essentiellement de riches jeunes
(et moins jeunes) femmes du Golfe, la Haute Couture, et cela n’est un secret
pour personne, n’est rentable dans aucune maison parisienne. Par humanisme
total et complet envers un homme qui a d’une certaine façon révolutionné
l’histoire de la mode ? Mmmmm ne soyez pas trop naïfs, nous l’avons déjà
dit ! Mais pour la poule aux œufs d’or du secteur du « luxe »
voyons ! Les parfums !!!
Car lorsque Puig a racheté la société Jean-Paul Gaultier, celle-ci englobait
également les parfums qui sont la vraie manne financière de toute marque !
Car à coup de 100 euros les 100ml d’alcool coloré, vendus par wagons entier
dans toutes les parfumeries de la terre, inutile de dire que les parfums sont
parmi les produits dérivés les plus rentables de ce secteur (avec les solaires
hein…. parce que les montures en plastique à 5 « balles » produites à
la chaine en Chine et revendues plusieurs centaines d’euros après une jolie
campagne publicitaire, c’est quand même merveilleux comme concept) et que c’est
grâce à cette source de revenue que de nombreuses marques survives de nos jours.
Et qu’a à voir la Haute Couture dans l’histoire me demanderez-vous ? Elle est tout simplement l’image et la
raison d’exister des parfums d’un créateur, surtout lorsque ceux-ci se hissent
depuis des années dans le top des ventes de parfums masculin dans l’hexagone
par exemple.
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© Jean-Paul Gaultier - Le Mâle |
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© Jean-Paul Gaultier - Classique |
Pour résumer, le créateur crée et
organise un somptueux défilé Haute Couture, des créations exceptionnelles
pouvant couter plusieurs dizaines de milliers d’euros sont mises en avant par
la presse et les magasines, celles-ci sont vues et désirées par des millions de
personnes à travers le monde, qui ne peuvent malheureusement se les offrir, et
qui par un joli truchement, se jettent sur tous les produits dérivés fabriqués
sous licence et qui peuvent laisser espérer aux clients finaux, que grâce au
pschitt magique d’un parfum X ou Y, ils pourront ainsi pénétrer dans l’univers
du créateur. La réalité n’est malheureusement pas tout à fait celle-ci, comme
l’avait rappelé de façon parfaitement cynique Karl Lagerfeld il y a quelques
années en disant approximativement que « ce n’est pas parce qu’une femme
porte un rouge à lèvres Chanel,
qu’elle porte du Chanel »… tout est dit à l’exception près que l’univers
de la cosmétique fait gagner des millions aux marques de mode et que la raison
d’être de ces gains est l’image mode/couture de celles-ci – d’ou le besoin de
conserver un petit pied sur les podiums…
Reprenons cependant le
cheminement initial de notre pensée, et revenons à notre sujet – la lente descente du style Gaultier,
marquée il est vrai par une désertification de la clientèle de ses boutiques et
une baisse de vente des collections de celui-ci qu’il serait impossible de
nier. La marque, à l’image du cycle de toute vie, nait, grandit, murit, et
malheureusement meurt aussi. Et Gaultier en est le parfait exemple. Née dans le tourbillon merveilleux des
années 80 ou tout semblait possible et ou les clientes étaient prêtes à tout,
la marque Jean Paul Gaultier, a donnée une force incroyable aux femmes, à
l’image d’un Yves Saint Laurent contemporain ou d’une Gabrielle Chanel punk, leur
a redonné à nouveau les codes masculins et un pouvoir sexuel fort face à
ceux-ci. Du jean, au pantalon, en passant par le trench, la marinière et le
fameux corset conique qui aura fait de Gaultier une célébrité mondialement
connue, le créateur français aura marqué indéniablement l’esprit de son temps.
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© Jean-Paul Gaultier - Madonna 90's |
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© Jean-Paul Gaultier - Madonna 90's |
Malheureusement, ces dernières
saisons, presque ces dernières années, les collections se faisaient de plus en
plus décevantes au fil des défilés. Mêmes codes stylistiques revisités sans
cesse, voir resucés inexorablement, même esprit un peu 80’s, un peu 90’s plus
vraiment dans l’air du temps, même
« Star Strat’ » éculées défilé après défilé ou une célébrité (plus ou
moins dépassée) « surprise » fait son apparition lors du final,
chantant, dansant, tombant, s’esclaffant… Et quand enfin, Jean-Paul Gaultier,
se veut dans une certaine actualité, il prend pour égérie des personnalités
médiatiques douteuses venant des programmes de téléréalité de France et de
Navarre… Ainsi, ont défilé pour lui, les
Loana, Steevy et autre Nabilla…. Navrant… Voir gênant…. Gênant d’assister
au spectacle de quelqu’un qui ruine sa carrière et son image sans se rendre
compte de ce qu’il commet, gênant de devoir assister à l’association de
personnalité si quelconque avec un univers et un savoir faire si précieux,
gênant de voir réunis dans un douteux mélange la culture et l’inculture, gênant enfin, de voir au fil des saisons la
tombée en disgrâce d’un homme qui avait pourtant su révolutionner le monde de
la mode et lui apporter cette touche d‘impertinence des faubourgs parisiens et
de ses néo titis. Gênant au point d’avoir espéré au fil des saisons voir ce
massacre s’arrêter et ne plus assister à une nouvelle déception à chaque
défilé.
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© Loana & Steevy pour Jean-Paul Gaultier |
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© Nabilla pour Jean-Paul Gaultier |
C’est maintenant chose faite, celui qu’une grande
partie du monde considère comme l’un des couturiers les plus important de sa
génération (et qui l’est sans nul doute), arrête son travail et se consacre à
sa passion première – celle de la couture au sens noble du terme. Pour clôturer
ces presque 30 ans de carrière, Jean Paul Gaultier a ainsi organisé un défilé événement au Grand Rex autour
d’une sélection de thèmes pour le moins populaires voir très franchouillard –
Ainsi, Miss France, le Tour de France Cycliste,
(l’élégance innée..) les femmes de footballeur, l’univers du Catch et les rédactrices
de Mode les plus célèbres, se sont gentiment mélangés sur une scène transformée
pour l’occasion en podium d’élection Miss France. Clownesque.
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© Jean-Paul Gaultier - SS15 |
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© Jean-Paul Gaultier - SS15 |
Veste de costume asymétrique et combinaison à rayures banquier, chapeau
à larges bords, Geneviève de Fontenay
était sans conteste présente sur scène dès le début du défilé, symbolisée entre
autre par l'actrice espagnole Rossy de Palma se faisant passer pour
"Madame de Palmay", tout comme Miss France 2009, Chloé Mortaud,
élisant dans un joyeux désordre, la mannequin Coco Rocha Miss Jean Paul Gaultier, sous le regard
(bienveillant ?) des plus grandes critiques de mode (reconnaissable par
leurs coiffures) - la rousse Grace
Coddington, la blonde Franca
Sozzani, la brune à houppette Suzy
Menkes, sans oublier Carine
Roitfeld, Babeth Djian ou
encore Emmanuelle Alt.
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© Jean-Paul Gaultier - SS15 |
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© Jean-Paul Gaultier - SS15 |
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© Jean-Paul Gaultier - SS15 |
Inutile
de passer en revue les tenues de catcheuse américaine, ou les tenues de maillot
jaune du tour de France revisitées ou encore l’hommage à Yvette Horner, le tout
sur la bande son du
générique de l'émission de Michel Drucker - Champs-Elysées, intéressons
nous directement au final de celui-ci, et au déshabillé calamiteux de Rossy de Palma en body corset à seins coniques
(trop petit), ne dévoilant que trop de choses d’une intimité dont on se serait
volontiers passé de connaître les détails. Gênant ! Gênant d’autant
plus que la nudité en rien ne nous choque, au contraire, mais qu’il est
inadmissible de jouer autant avec l’image de quelqu’un en envoyant à ce point
au casse pipe stylistique une femme dans une pièce de lingerie trop étroite
pour elle et dont absolument tout déborde… Les images parlent d’elles-mêmes…
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© Jean-Paul Gaultier - SS15 |
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© Jean-Paul Gaultier - SS15 |
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© Jean-Paul Gaultier - SS15 |
Un grand cirque
coloré donc plus proche de la fête privée que du défilé d’une maison de mode,
et qui à notre sens ne mets malheureusement pas en valeur le travail effectué
par des centaines de personnes au fil des dizaines d’années d’existence de la
marque, ni en exergue le travail de création d’un grand homme de la mode
française dont les références et l’univers auront toujours une petite place au
fond de chacun d’entre nous. Dommage… C’est le seul mot que j’ai envie de dire,
accompagné sans doute un Au revoir…. Et d’un merci….
A.
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