Balenciaga et l’univers de la publicité c’est
un peu une histoire médiatique à la « Je t’aime, moi non plus »
qui m’a toujours beaucoup amusé. Naviguant d’une rive à l’autre du dangereux
fleuve de la Communication, alternant entre
Star Strat’ parfois étonnante et discrétion quasi monacale d’un Directeur
Artistique phobique de l’univers de la presse, Balenciaga, propose au fil des
saisons sa vision de la femme. Tantôt
futuriste et robotique, tantôt déprimée ou carrément lascive, elle devient
pour la précollection 2013, dévoilée sur la toile il y a quelques jours, épanouie et heureuse en proie à une crise
aigue de plaisir Saphique.
Mais comment
en est-on arrivé là ? Quel coup de baguette magique Nicolas Ghesquière a-t-il donné à la femme Balenciaga pour la
libérer en moins d’une collection de son carcan stylistique, libérant son corps
de ses habituels néoprènes pour l’habiller d’une légèreté floue et
sensuelle ? C’est à cette question sensible que nous allons nous intéresser,
étudiant saison après saison, campagne publicitaire après campagne
publicitaire, tel le rattrapage du roman photo de l’été que nous n’avons pas
encore lu, l’évolution de la dite Femme Balenciaga !
Flashback
Hiver 2008
Tout commence à l’automne-hiver
2008, lorsque Balenciaga, inaugurant fièrement la toute nouvelle boutique de
Los Angeles, décide de sortir de sa torpeur médiatique et de frapper un grand
coup en se choisissant une égérie
incarnant une certaine vision de l’élégance à la française en la personne de
l’actrice et chanteuse Charlotte
Gainsbourg. Cheveux plaqués et brillants, poses volontairement figées presque
déshumanisées aux accents robotiques,
Charlotte Gainsbourg, sous l’œil aiguisé du photographe David Sims se meut en icône mode forte et ultra féminine
et incarne une certaine vision de la
Couture 2.0, alliant précision des coupes, modernité et contraste des matières.
© Balenciaga AH/08 |
© Balenciaga AH/08 |
Eté 2009
Suite au premier coup de maître de David Sims, Balenciaga réitère sa
collaboration avec le photographe Britannique, et impose un style résolument
futuriste pour la femme Balenciaga. Cheveux tirés, tenues structurées, décor
énigmatique, presque Lynchien – « Mulholland Drive » n’est pas loin. Pari réussit, Balenciaga définit les
grandes lignes de sa communication – avant-gardiste, arty et à contre-courant.
© Balenciaga PE/09 |
© Balenciaga PE/09 |
Hiver
2009
Immense fracas, bruit de meubles renversés dans les coulisses feutrées
de la discrète maison Balenciaga et grands changements en matière de
communication. Le talentueux David Sims et remplacé par le photographe de mode Steven Meisel à l’univers sans doute
moins asexué que celle de son prédécesseur. Au revoir Mlle Gainsbourg, et
bonjour à l’actrice américaine Girl Next Door Jennifer Connely, qui devient ainsi le temps d’une saison l’égérie peu conventionnelle et très
lascive d’une maison de couture parisienne peu connue pour son coté
grivois… Désordre organisé, corps renversé, chevelure ébouriffée, jambes
hautement relevées et même croupe fièrement tendue… Chocking ! La femme
Balenciaga s’encanaille, faisant fit du robotique passé, comprenant que dans
une certaine sexualité débridée repose peut-être son salut !
© Balenciaga AH/09 |
© Balenciaga AH/09 |
© Balenciaga AH/09 |
Eté
2010
Finit les caprices aux accents érotiques de
Miss Connely, la très parisienne et très discrète Charlotte Gainsbourg est de retour pour incarner le tout nouveau Parfum Balenciaga. Fraîche, discrète, fragile mais confiante,
la nouvelle femme Balenciaga n’a cependant pas oubliée les leçons de sa cadette
américaine ; posant sagement au bord de l’eau, elle laisse sa robe en
néoprène en cabine d’essayage et ressort légèrement vêtue d’une simple
combinaison en satin et dentelle noire dévoilant quelques centimètres de chair
de plus. Le sage Eros a sans doute un parfum, celui de la poudre ancienne et de
la violette tout comme les notes de fond du nouveau jus Balenciaga !...
© Balenciaga PE/10 |
Hiver 2010
Un pas en avant, un pas en arrière… la femme
Balenciaga doute. Liberté sexuelle débridée comme sa consœur Américaine ou
sage retenue ? La réponse pour l’hiver 2010 se trouve sans doute quelque
part au milieu. Nicolas Ghesquière, par le biais du photographe Steve
Meisel, (dés)habille les mannequins Mirte Maas, Kirsi Pyrhonen et
la très belle Stella Tennant, de robes en soie gauffrée, plissée, structurée aux tonalités rouge
orangées et aux longueurs pour le moins estivales. Incroyables souliers nous
rappelant telle une petite madeleine de Proust les Légo de notre enfance,
imprimés arty, et fond ocre presque inquiétant, l’honneur de la femme
Balenciaga est sauf ! Mais, chevrotante, grelottante et sans doute quelque
peu déroutée, la femme Balenciaga a
froid !
© Balenciaga AH/10 |
Printemps
été 2012
Ellipse temporelle de plusieurs saisons, nous retrouvons la femme Balenciaga shootée par Steven
Meisel (et oui, toujours) au Printemps-été 2012
totalement défaite, au bord de l’hystérie et de la dépression nerveuse !
Décor chaotique d’un appartement ou
tout est à la renverse, volumes minimalistes de son intérieur nous faisant nous
demander ce qu’il est advenu de son élégant appartement Haussmannien ou de sa
résidence secondaire à Los Angeles et nous rappelant indéniablement la crise du
logement à Paris. Le cheveu sale et
désordonné, la capeline de travers, entourée des factures impayées de sa
carte de paiement du Bon Marché Rive Gauche,
rien ne va plus, la femme Balenciaga est définitivement au bout du rouleau !
© Balenciaga PE/12 |
© Balenciaga PE/12 |
Dépression
post électorale ou bien effet de la crise économique mondiale qui lui fait
craindre une irrémédiable récession du monde Occidentale sans cesse
rabâchée par les Médias qu’elle regarde à présent comme une folle ?
© Balenciaga PE/12 |
Ou bien la femme Balenciaga n’en peut-elle
plus de ces vestes trop grandes pour elle qu’elle doit porter, de ces jupes aux
longueurs Mormones qui lui tassent la silhouette et de ces shorts en néoprène à
taille haute qui la cisaille à longueur de journée ?
© Balenciaga PE/12 |
© Balenciaga PE/12 |
Non !
La femme Balenciaga est en pleine crise d’identité et ne comprend pas
le choix de sa nouvelle égérie qui
incarnera dans les prochaines semaines le parfum FloraBotanica – Kristen Stewart !
© Balenciaga PE/12 |
Pensez donc ! Une vampire sortit du ruisseau ! Une actrice américaine ayant toujours prônée l’anti-mode et ne portant
jamais de parfum comme égérie du nouveau jus de sa chère Maison !... Quelle
hérésie ! Kristen Stewart, puisqu’il
s’agit d’elle, femme bionique au cou distortionné (et sans doute photoshopée
plus que de raison), héroïne de toute
une génération d’adolescente en mal de sentimentalisme nocturne à l’eau de rose,
presque aussi grande que le flacon de parfum qu’elle est censée incarnée,
portant une robe en soie imprimée sur néoprène d’une collection
(passé)antérieure est l’improbable
égérie d’une campagne de Star Stratégie aux ficelles si peu discrètes et
qui est Ô combien éloignée des valeurs d’une maison puisant ses racines dans le
raffinement Madrilène et le Constructivisme et la Recherche vestimentaire.
© Balenciaga FloraBotanica |
No
Comment ! Silencieuse, la femme Balenciaga souffre.
© Balenciaga PE/12 |
Hiver 2012
Pour se remettre de son mal-être stylistique,
la femme Balenciaga décide de quitter Paris pour un temps et prend ses quartiers d’hiver dans sa maison
de Guétary loin de la frénésie de la capitale, soucieuse d’oublier
l’affront Stewart ! Dunes de sables, ciel orageux (en référence au film Take
Shelter), air marin et
embruns lui font le plus grand bien !
© Balenciaga AH/12 |
Le
cheveux libre, l’œil hagard, assise, face à la mer, la femme Balenciaga en
oublierait presque ses rudiments de Mode, et piquant dans le coffre de vêtement
qu’elle avait gardée depuis son adolescence, elle porte sans se soucier des
associations parfois hasardeuses qu’elle fait, les pantalons taille haute
élastiquées de sa maman (c’est la mode cette saison croit-elle avoir lu dans le
Marie-Claire 1988 qui traînait sur la table basse du salon), ses sweat-shirts
Star Wars qu’elle portait déjà Over Size adolescente pour cacher ses formes
naissantes (précurseuse la Femme Balenciaga vous dit-on !) ainsi qu’une
paire de gant (il fait frais parfois en bord de mer en cette fin de saison)
qu’elle croyait avoir perdue et qu’elle aurait sans doute due… Break
stylistique indispensable pour se remettre d’aplomb et attaquer 2013 sous les
meilleurs augures !
© Balenciaga AH/12 |
Printemps-Eté 2013
Et quelle
agréable surprise ! La femme
Balenciaga revient rayonnante, reposée et épanouie de son séjour en bord de
mer ! Ayant compris que le néoprène était définitivement Out pour la
prochaine saison, brûlant ses imprimés StarWarsiens, la femme Balenciaga glisse son corps nu dans de délicats jerseys de
soie et de légères mousselines pastel. Inspirée de la version contemporaine
de Malcolm McLaren de l’opéra « Madame
Butterfly », la vidéo Balenciaga Resort 2013 est
une ôde à la féminité, à la douceur, mais aussi aux plaisirs saphiques…
© Balenciaga PréCollection/13 |
© Balenciaga PréCollection/13 |
En effet, loin de s’être ennuyé l’hiver durant, la
femme Balenciaga est revenue de son séjour Landais entourée de nouvelles
amies ! Proches ! Très proches !..
© Balenciaga PréCollection/13 |
Défilant lentement dans un décor minéral quasi irréel, ses nouvelles compagnes, langoureusement
étendues sur de blocs de pierre à la blancheur toute virginale, se suivent,
s’effleurent, se touchent et se caressent… Ignorant l’opprobre populaire
face au revirement de son orientation sexuelle, telle une délicate sylphide d’un temps nouveau, la femme Balenciaga, libérée
de son carcan se sent libre. Libre de son corps, libre de ses mouvements,
libre de ses vêtements, elle déambule vêtue de jolies vestes fluides à la
carrure soulignée, de jupes de patineuse à godets, et de shorts aussi courts
qu’une belle journée de printemps.
© Balenciaga PréCollection/13 |
Heureuse, libre et épanouie, enfin, la
femme Balenciaga, après de nombreuses hésitations stylistiques, de nombreux
doutes et de multiples questionnements semble
enfin avoir trouvée sa voie, celle
de la douceur du pays de Sapho !
A.
Merci pour ce bel et si pertinent (comme toujours quand c'est signé les Garçons aux foulards)article! I love :)
RépondreSupprimerJ.
un très bon créateur ! des créations très original j'aimeremarqué qu'il aime faire des manches bouffante! Puis votre article est très bien construit ! des bises
RépondreSupprimerJ'attends encore qu'on m'explique Stewart, si quelqu'un a une idée.
RépondreSupprimerBel article les garçons :-)
Article très intéressent et pertinent => L'évolution de Balenciaga est digne d'être étudiée.
RépondreSupprimerBonne continuation A.
H from Spring.
Avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de retard, je vous remercie infiniment pour vos messages et vos commentaires. Toujours aussi ravi de vous lire et de constater que vous êtes fidèles au poste et que vous partagez nos idées.
RépondreSupprimerA très vite pour de prochains articles
A.