Voici déjà quelques semaines que nous souhaitions aller
découvrir l’exposition Dries Van Noten au Musée des Arts Décoratifs. Inconditionnels du travail du créateur belge dont les
défilés « esthético-ethnique » nous ont fait passionnément aimer son
univers à l’élégance intemporel, il nous semblait impossible de passer à coté
de cette première grande rétrospective parisienne. Bien plus qu’un simple créateur,
Dries Van Noten, dont la richesse de son univers semble infinie, est sans doute
l’une des personnalités du monde de la Mode contemporaine les plus
intéressantes. Initié par tradition familiale à la culture textile,
son grand-père était tailleur et ses parents propriétaires d’un magasin
multimarque, Dries Van Noten, sort diplômé de la prestigieuse Académie Royale des
Beaux-arts d’Anvers et lance sa marque éponyme en 1986. Année qui voit
également la naissance à Londres du fameux groupe des « Six d’Anvers» aux
cotés de Walter Van Beirendonck, Ann Demeulemeester, Dirk Van Saene, Dirk
Bikkembergs ou encore Marina Yee, constituant un groupe informel de jeunes
créateurs belges devenu synonyme d’avant-garde de la mode. S’appuyant sur un
brassage d’images d’hier et d’aujourd’hui, de cultures venues d’ailleurs
ressuscitées au travers ses collections, toujours une mémoire, un souvenir ou
la trace d’un voyage intime, le vocabulaire esthétique de Dries Van Noten est
identifiable presque immédiatement.
Plus qu’une simple exposition, l’évènement organisé par le
Musée des Arts décoratifs est une invitation à un voyage intime et affectif de l’univers
du créateur belge. En effet, présentant ses sources d’inspiration nombreuses et
multiples, Dries Van Noten a choisi, bien plus que de réaliser un catalogue
imagé de ses dernières années de défilés, de nous révéler plutôt son processus
de création. Ce projet totalement inédit, fait d’accumulations choisies et de
superpositions pensées, confronte les collections de mode féminine et masculine
de Dries van Noten aux pièces d’archive des Arts Décoratifs, ainsi qu’aux
photos, vidéos, extraits de films, références musicales ou œuvres d’art, d’Yves Klein à Francis Bacon en passant par Elizabeth Peyton ou
encore Damien Hirst, qui ont nourri sa création. A l’image des «
Chambres de merveilles » de la Renaissance qui rassemblaient des objets «
mémorables », des souvenirs, Dries Van Noten a réuni des éléments qui reflètent
ses sources d’inspiration, qui lui sont chers. Un assemblage savant, aux allures
initiatiques, se rencontrent les références historiques et artistiques, ethniques
et cinématographiques, musicales ou géographiques, réunissant la création de
tous les Arts.
L’or et
le noir
Virtuose incontesté de la couleur, et des imprimés, qu’il
traite comme un peintre utiliserait sa palette, Dries Van Noten n’en est pas
moins également maître du noir qu’il utilise comme une matière à part entière.
Noir profond, noir subtil, noir brillant, le noir se fait multiple dans les
mains du créateur Anversois et fait des clin d’œil à l’élégance des films
Hollywoodiens d’avant-guerre. Smoking masculin revisité, noir contrasté de
blanc optique ou de broderies de fils d’argent, celui-ci prend également des
accents gothiques, inspirés par les costumes victoriens du merveilleux film de
Jane Campion – La Leçon de Piano. Plus estival, le noir s’associe au coton
blanc immaculé et s’illumine d’or.
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten - Inspirations |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten - Inspirations |
Graal philosophique, quête inespérée de toutes civilisations,
l’or est la matière de tous les désirs ; et l’univers de la mode n’en fait
pas défaut. Travaillé en touches, en broderies ou en all over, l’or, à connotation
ethnique, est l’un des codes fort de Dries Van Noten et présent sur quasiment
l’ensemble de ses collections et se fait l’accessoire idéal pour illuminer la
sombre couleur noir. Jamais bling, jamais vulgaire, l’or chez Dries est souvent
mâte et se teinte d’accents ethniques, inspiré par les somptueux costumes
traditionnels d’Asie et d’Afrique ; ou en référence à l’or utilisé durant
l’explosion de l’Art Déco au début des années 20 pour son aspect lumineux et
graphique.
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten - Inspirations |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
L’Art
Autre source primordiale et quasi infinie dans
le travail de création du styliste belge, le domaine de l’Art. Ses défilés
peuvent tout autant témoigner d’une émotion ressentie devant une toile ou le
travail d’un artiste. Les œuvres de Francis Bacon, d’Elizabeth Peyton ont donné
lieu à des inspirations directes, traduites en gammes de couleurs ou en
imprimés. Toute la collection femme Automne Hiver 2009 par exemple décline l’œuvre
du premier, tandis que la collection homme Printemps Été de la même année est
construite autour d’un seul tableau d’Elizabeth Peyton : « Democrates are more
beautiful » - 2001. La référence peut être moins immédiate et davantage relever
de l’intime et de l’évocation. Dries Van Noten peut ne retenir qu’une couleur, une
gestuelle ou une atmosphère. Inversement d’autres collections, mirent en avant
les œuvres de certains artistes de façon plus évidente, reprenant des imprimés,
des graphiques, comme par exemple pour la très belle collection Vasarely.
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten - Inspirations - Vasarely |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten - Inspirations |
L’homme
De Cocteau à Visconti en passant par le sulfureux Duc de
Westminster, l’homme Dries Van Noten (et ses référents) est indéniablement un
dandy. Dandy moderne vivant avec son temps, le créateur Anversois n’hésite pas
pour autant à jeter un coup d’œil dans le passé à une époque ou les personnages
raffinés (et ambigus) de la Recherche du Temps Perdu de marcel Proust dictaient
les élégances parisiennes. Mais résumer le style masculin de Dries
Van Noten au cliché du Baron de Montesquiou serait un peu réducteur. Mixant sur
chaque silhouettes, différentes références, allant des tartans anglais et des
shetlands de son enfance aux uniformes militaires (quintessence d’une certaine
vision de la virilité et d’un style masculin dédié à la parade) aux riches
passementeries et brandebourgs dorés, Dries Van Noten use parfois des oppositions homme – femme pour repousser les limites
de la garde-robe masculines : des tissus connotés comme féminins telle que la dentelle,
la fourrure, la soie par exemple habillent l’homme tandis que, inversement, les
coupes masculines sont déclinées dans les collections femmes. Le tout donnant parfois
des silhouettes d’une justesse incroyable telle cet incroyable camaïeu de camel,
subtil mélange de draps de laines masculins, et de détails raffinés de broderie
et de fourrure.
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten - Inspirations |
Le
Jardin
Autre passion parmi les plus chères de Dries Van Noten,
celle de la Nature, et de l’univers floral qu’il cultive lui même assidument à
Anvers. Grand classique de la garde robe féminine, le vocabulaire floral,
hommage poétique rendu à la femme, a lui aussi été détourné par le talentueux
créateur belge. Aplats de couleurs, broderies all over, impression numériques,
clins d’œil impressionniste, ou encore en incrustation sur de la fourrure, toutes les méthodes sont bonnes au créateur belge
pour mettre en valeur la délicatesse et l’explosion de couleur offerte par la
Nature. Plus conceptuel, il est bon de rappeler qu’en parallèle à la finesse de
celle-ci, Dries Van Noten a été l’un des pionniers des références à l’univers
du sport et d’une certaine street culture. Parka over size imprimée ou robe
sanglée en soie technique, le tout brodé main d’un motif floral ne sont que
quelqu’uns des exemples de ces looks précurseurs de l’une des plus grande
tendance de ces dernières saisons. L’imprimé floral servant de toile de fond à l’exposition a d’ailleurs
été réalisé par ses équipes afin de se placer comme une œuvre in situ et de
participer au voyage du visiteur.
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten - Inspirations |
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© Les Garçons aux Foulards - Christian Dior |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
Les
Voyages
Domaine du voyage qui est sans conteste l’une
des plus belles et des plus fortes signatures stylistiques de Dries Van Noten.
Savant mélange de touches ethniques, chacun des défilés du créateur belge est
une invitation au voyage et à la découverte de nouvelles cultures. Dries Van
Noten peut ainsi élaborer ses collections à partir de voyages fantasmés, de
lieux exotiques qu’il fait surgir de son imaginaire et qui pourtant empruntent
aux différentes traditions ethniques et folkloriques de l’Inde, de la Chine, de
l’Afrique ou du Mexique. Les images alors inventées apportent à ses textiles un
raffinement extrême, tant dans le choix des motifs imprimés que dans les
tissages et le choix des matières. Ainsi les blouses kimono d’inspiration
japonaise croisent les manteaux brodés indiens ou encore les immenses jupons
mexicains et les wax indonésiens dans un dialogue éclectique et coloré.
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
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© Les Garçons aux Foulards - Dries Van Noten |
La puissance et la force du rouge chez Mark
Rothko, la lumière bleue si particulière de la grotte de Capri ou la fragilité
qu’évoque le papillon peuvent être le point de départ d’une collection. Car les
sources d’inspiration de Dries Van Noten dépassent la hiérarchie des arts et la
culture vernaculaire est pour lui tout aussi riche d’influences. Ses créations se
nourrissent de ces contrastes et la dualité est aussi une autre constante de
son vocabulaire.
En décelant des influences, des analogies et des contradictions,
la mode, les arts décoratifs et les beaux-arts ont été réunis dans cette
exposition pour construire le vocabulaire intime et la démarche distinctive du créateur
anversois. Evoquant des thématiques intimes telles que la Jeunesse,
l’Archétype, L’Ambiguïté, la Passion, ou encore pour créer une promenade à
travers les thèmes qui composent sa signature, des pièces anonymes du XIXe
siècle ou de couturiers emblématiques comme Elsa Schiaparelli, Christian Dior
ou de créateurs des années 1980 ont été sélectionnées, ayant pour résultat un
voyage intime et captivant au cœur de l’univers de l’un des créateurs les plus
riches et les plus généreux de notre époque. Contraste de l’Occident et de l’Orient, du Moderne et de l’Ancien, du
Masculin et du Féminin, du Brute et du Délicat, c’est aussi sans doué cela que
nous apprend Dries Van Noten, à développer notre capacité d’ouverture d’esprit,
à nous imprégner de toute forme de culture, à comprendre que tout se mélange,
que tout s’enrichit, que tout peut dialoguer, et que le résultat de tout cela
en est sans doute encore plus intéressant. Plus qu’une leçon de style, Dries
Van Noten nous offre sans doute une leçon de vie ! A découvrir sans
plus tarder !
A.
DRIES
VAN NOTEN - INSPIRATIONS
Jusqu’au 31 août
2014
Musée des Arts Décoratifs
107, rue de Rivoli –
75001 Paris
Du mardi au dimanche
de 11 h à 18 h
(Nocturne
le jeudi jusqu’à 21h)
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