Miss Dior s’expose au Grand Palais – Art ou Publicité ?
Nous le disions il y a peu, les
relations entre l’univers de la Mode, de l’Art et du Design s’estompent de plus
en plus. Révolution de salon faisant
entrer le petit monde de la couture par les grandes portes des institutions
culturelles les plus réputées, ou simple retour à un âge d’or artistique ou
créateurs et plasticiens collaboraient naturellement ensemble, mettant
leurs talents en commun pour célébrer le beau et la modernité au sein de
projets incroyable ? La vérité se trouve sans doute quelque part au milieu
en ce début de 21ème siècle
où la consommation se veut « expérientielle » et la communication
« artistique », et où les marques puisent dans leurs archives
pour donner un sens à la course effrénée de nouveauté imposée par la logique
commerciale. La démarche de la maison Dior de fêter en grand l’anniversaire des
66 ans (si, si ça se fête apparemment) d’existence de l’emblématique jus de la
maison de l’avenue Montaigne, à quelques semaines avant la période de Noel, ou
la majorité des achats parfum s’effectue, s’inscrit à n’en pas douter dans
cette tendance à laquelle les grandes marques n’échappent pas, mais aussi dans
une démarche publicitaire, au format
XXL, à peine maquillée d’un voile parfumé. Deux semaines d’exposition au cœur du Grand Palais, la présence de
pièces d’archives exceptionnelles et la participation de 15 artistes féminines
venues du monde entier, l’idée a cependant de quoi nous intriguer, et nous
n’avons pas hésiter à affronter le froid hivernal et l’attente (longue) par
nous faire notre propre avis !
Moquette épaisse, lumière chaude et sensation de grandeur
sous les hauteurs de la galerie circulaire qui accueille l’événement, marquent
l’ambiance dès les premiers pas, nous conduisant à un espace servant
d’ « introduction », nous faisant plonger au cœur des souvenirs
personnels de Mr Dior avec sa première
vie en de galeriste. Peu le savent, mais Christian Dior avant de devenir le
symbole du renouveau de la mode française a débuté sa carrière au sein de l’une des galeries d’art les plus réputée
de Paris, collaborant avec les artistes du mouvement surréaliste. Photographies anciennes, recréant le
décor, mais aussi originaux des œuvres vendues alors dans la galerie, portrait
de Christian Dior croqué par Chagall ou peint par Dubuffet, les preuves
montrant les relations étroites que le couturier entretenait avec le monde de
l’art ne manquent pas ; les 15 collaborations artistiques réalisées autour
du parfum Miss Dior prennent ainsi une toute autre signification.
En parallèle, sont également exposés
certains des premiers croquis des collections
de Christian Dior juste après la fin de la seconde guerre mondiale ;
robes Bach ou encore Mozart, elles éclatent telles des fleurs
au cœur d’un sublime jardin d’été. Car c’est bien de fleur qu’il s’agit. Passionné par l’univers des jardins,
dont le plus emblématique restera sans doute celui de Granville, Mr Dior n’aura de cesse de vouloir
transformer les femmes en bouquets de fleurs. Fleurs délicates,
sophistiquées, éclatantes de couleurs, la
fameuse ligne Bar inventé à la fin des années 40, n’est finalement que la mise en place d’un vocabulaire
stylistique reprenant les codes floraux. Ligne longue et fine telle une
tige, couleurs intenses à l’image des pétales de roses tant aimés, volumes de jupe
format XL telle une corolle de fleur, la
femme retrouve une sophistication poussée à l’extrême et qui sera cristallisé
en un jus : Miss Dior.
Mais Miss Dior c’est avant tout un hommage à la sœur du créateur,
Catherine, héroïne de la Résistance française et soutien précieux pour
Christian Dior qui pourra toujours compter sur elle. Miss Dior c’est aussi le
gentil sobriquet que le couturier inventa pour appeler sa nouvelle
cliente ; jeune, désinvolte, ayant soif d’avenir et de célébrité. Au fil
des photos de modes réalisées par Richard Avedon, des images d’archives des
présentations de collection des années 50, des dessins du merveilleux Gruau et
de somptueux modèles Haute Couture datant des années 50, se crée la légende
Miss Dior.
Mise en scène des plus
intéressante, jonglant entre Art contemporain et références aux archives de la
maison, justifiant en partie les créations du présent par les références au
passé. Dialogue des plus incroyable pouvant se résumer en une silhouette intitulée
Miss Dior 1949, sublime robe bustier
entièrement rebrodée de fleurs pastels au travail délicat ouvrant l’exposition,
et son pendant contemporain issu de la dernière collection de Raf
Simons, nouveau designer de la maison, reprenant à l’identique la forme
du modèle, ayant remplacé la couleur par le noir, et les fleurs de soies par
des pétales de cuir et des perles couleur de jais – époustouflante. Epoustouflante tout comme les modèles de la
première collection Haute couture de Raf Simons, portées à l’écran par
l’actrice Nathalie Portman, nouvelle égérie du parfum Miss Dior, faisant
écho à l’univers cinématographique de la marque et donnant à voir au public ces
merveilles de couture à la complexité insoupçonnée.
Niveau art contemporain, il faut être
honnête et admettre que les quinze
productions fournies sont inégales. Carte blanche a officiellement était
donnée aux artistes de s’exprimer sur ce que pour elles représentait Mis Dior ;
et malheureusement, la copie rendue par certaines des ces « élèves »
fut décevante. Cependant, au lieu de nous attarder sur le mitigé, concentrons
nous plutôt sur le très bon, ou plutôt le très beau. Loin d’une forme de
conceptualité trop radicales, les œuvres proposées sont avant tout esthétiques, à l’image du parfum, mettant en
avant ses différentes facettes, ces différentes composantes, à commencer par le travail du verre, du flacon et de la
lumière de l’artiste Carole Benzaken jouant sur ces trois matériaux et sur
l’idée des transparence et d’obscurité.
Le packaging ensuite, symbolisé durant un
moment par le célèbre motif pied de
poule, ADN stylistique de la maison, réinventé sans cesse au fil des
collections, et mis en exergue par l’artiste
Polly Apfelbaum et ses immenses tapis à motifs Houndstooth, reprenant des
méthodes de tissage traditionnels d’Oaxaca et les couleurs de la culture
mexicaine, comme pour faire un peu, un trait d’union entre deux cultures et
entre tradition et modernité.
Impossible aussi de passer à coté du
célèbre ruban cachetant le flacon de parfum, repris et retravaillé en format
XXL par l’artiste portugaise Joana
Vasconcelos, sur un support lumineux de couleur rose, reflétant presque à
l’infini l’ode magnétique de l’objet. Plus délicat, Hannah Starkey a également repris l’idée de ruban, mais cette fois-ci
au cœur même de la peau de celle qui la porte, en un délicat tatouage porté sur
la nuque, capturé sur une précieuse photographie.
Mais s’il est une œuvre qui nous a
particulièrement marqué, c’est sans nul doute la vidéo de l’artiste d’origine
libanaise Lara Baladi intitulé Don’t
touch me Tomatoes et Chachacha. A l’image du titre, la vidéo surprend et fais
sourire. Au cœur d’une nuit noir, des centaines de lucioles scintillent,
accompagnées de mille références à l’univers du cinéma et du divertissement sur
presque un siècle. De Betty Boop à Judy Gardland en passant par des notes
musicales de Britney Spears, aux Nuits d’une demoiselle de Colette Renard, le mélange est des plus audacieux et nous a
séduit !
Miss Dior, premier parfum créé par
Christian Dior en 1947, est un symbole autant qu’un mythe. Perpétuant les liens
qui l’unissent depuis toujours à l’Art, la maison Dior a ainsi décidé de mettre en avant ce parfum
légendaire en invitant 15 artistes féminines venues du monde entier à s’en inspirer
librement, en s’emparant de ses codes éternels, son flacon et son motif
pied-de-poule, son nœud poignard tout comme son égérie actuelle Natalie Portman.
Bercées des musiques servant aux publicités de produit, il serait aveugle de ne
pas admettre l’enjeu et l’impact commercial que cet exposition pourrait avoir
sur l’image du parfum, de la maison, mais aussi de ces ventes en cette veille
de fêtes de fin d’année. Opération de séduction et de communication rondement
menées, dont nous sommes d’ailleurs nous mêmes les premiers volontaires,
attendant gentiment pour avoir l’occasion de vivre également cette expérience
par nous même, mais aussi canaux médiatiques ultra connectés, véhiculant les
informations ainsi que les nombreuses photos que nous pouvons prendre lors de
l’événement sur les différents réseaux sociaux mis à notre disposition… Mais, il serait pourtant dommage de se limiter à
cette simple lecture marketing de l’exposition, car même s’il en est en partie
la raison, il serait en revanche dommage de passer à coté de certaines de ces œuvres
visionnaires, mais aussi les somptueuses archives et pièces de Haute Couture
misent à la disposition du public et nous plongeant avec délice dans l’histoire
de la maison Dior !
A.
Miss
Dior au Grand Palais à découvrir jusqu’au 25 novembre !
Très belle exposition
RépondreSupprimerTout à fait! Impatient de découvrir celle de Cartier!
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